L’hôpital ça rapporte !

Publié le par SPHAB/CGT (56-Guémené)

L'hôpital ça rapporte !

André Grimaldi, chef du service de diabétologie à La Pitié-Salpêtrière

 

L'hôpital coûte cher. Cependant, l'hôpital public n'utilise pas 64 % des dépenses de santé, comme l'a dit le président Sarkozy, mais 34 %. Ce sont les coûts des soins de ville et des nouveaux médicaments qui explosent.

 

Comme quoi, quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage.

 

Comment est financé l'hôpital ?

 

Avant 1983, l'hôpital était financé par un prix de journée (un peu comme un hôtel). On avait donc plutôt intérêt à garder un ou deux jours de plus les malades. En 1983, ce système a été remplacé par un budget annuel global. Ce système obligeait à faire attention aux dépenses, mais il était injuste et bridait l'activité. On est passé en 2004 à la tarification de l'activité (T2A).

 

Désormais, chaque malade hospitalisé rapporte de l'argent à l'hôpital en fonction d'un tarif forfaitaire déterminé. L'hôpital gagne donc de l'argent en multipliant les actes, mais il ne peut dépenser que ce qu'il gagne. Toute la difficulté tient à mesurer et à valoriser correctement l'activité. Or, en médecine, il y a 10 000 pathologies avec 3 facteurs de gravité et des facteurs psychosociaux. On a réussi le tour de force de faire entrer cette complexité dans seulement 750 groupes homogènes de séjour (GHS). Autant dire que ces groupes sont en réalité très hétérogènes. Finalement, certaines pathologies sont devenues rentables (cataracte, dialyse, hernie, canal carpien, prothèse de hanche, adénome de la prostate... l'essentiel de l'activité des cliniques privées), tandis que des malades sont devenus non rentables (la pédiatrie, les réanimations lourdes, la chirurgie complexe, les maladies chroniques, les accidents vasculaires cérébraux... l'essentiel de ce que fait l'hôpital public).

 

En 2009, la ministre s'est aperçue qu'on avait oublié de prendre en compte la précarité des patients et la gravité des pathologies ! On avait oublié que l'hôpital recevait les malades les plus pauvres et les cas les plus graves ! On avait aussi oublié qu'à l'hôpital il faut des lits vides pour accueillir les urgences (par exemple les malades atteints de la grippe mexicaine). Quant aux missions de service public elles ne sont plus financées que par 12 % du budget au lieu des 50 % nécessaires ! Et malgré tout cela, on continue à répéter que les hôpitaux sont en déficit et qu'ils doivent donc subir un redressement financier grâce à un PDG à poigne, payé pour ce faire.

 

Quelle alternative ? Il y a trois modes de financement possibles de l'hôpital : par un prix de journée, par un budget et par la T2A, qui ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients. L'absurdité, c'est de vouloir n'en utiliser qu'un au lieu d'utiliser les trois en choisissant le mieux adapté à chaque activité. Mais la pensée unique est à la marchandisation, et donc à la T2A.

 

(*) Auteur de L'Hôpital malade de la rentabilité (Éditions Fayard 2009).

 


Article publié par l'Humanité le mercredi 6 mai 2009 dans la rubrique: l'invité de la semaine

ainsi que sur le site www.humanite.fr


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