Les syndicats se cherchent de nouvelles armes
| 30.07.09 | 13h08 • Mis à jour le 31.07.09 | 11h24
Pour la première fois, Bernard Thibault va participer à l'université d'été de la CFDT, le 27 août à Boissy-la-Rivière (Essonne). Le secrétaire général de la CGT débattra avec son homologue de la CFDT, François Chérèque, des "défis du syndicalisme de demain". Hautement symbolique, l'événement témoigne de l'exceptionnelle harmonie qui règne entre les deux principaux syndicats. Il faut remonter plus de vingt ans en arrière pour retrouver une telle unité CGT-CFDT.
Face à une récession qui assombrit les perspectives à la rentrée, avec une flambée du chômage, notamment des jeunes, et une explosion de plans sociaux, les syndicats se cherchent de nouvelles armes pour créer un rapport de forces qui leur soit favorable. Les défis sont redoutables. Jusqu'à l'été, une unité inédite a rassemblé dans une même intersyndicale huit organisations - CGT, CFDT, FO, CFTC, CFE-CGC, UNSA, FSU, Solidaires - qui ont démontré leur capacité à mobiliser des salariés inquiets de l'ampleur de la crise. Mais avec l'échec de l'ultime journée, le 13 juin, après les élections européennes, le feuilleton s'est terminé en queue de poisson. Réuni le 6 juillet, le "G8" syndical s'est séparé sur une simple promesse de "revoyure".
L'absence de résultats visibles, inévitable quand une mobilisation n'est pas guidée par le retrait d'un plan ou d'un projet de loi, a attisé les divergences sur les formes d'action. Au risque d'être isolé, Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO, poussé par sa commission exécutive et par "ses" trotskistes, a réitéré son appel à "une journée de grève franche". Les "processions-saute-mouton" à répétition sont très critiquées au sein de FO, où l'unité syndicale ne va pas de soi. Ainsi l'union départementale de Paris cite Auguste Blanqui évoquant, en 1848, ces "prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues" et qui, au final, ne trouvent que "de la misère toujours"...
Mais quand, au coeur de l'été, les syndicats semblent absents (et muets), la radicalité a le champ libre. Les menaces des salariés de New Fabris, à Châtellerault (Vienne), puis de Nortel, à Châteaufort (Yvelines), de faire sauter leurs usines, à l'aide de bonbonnes de gaz, pour arracher de meilleures indemnités de licenciement sont pourtant aux antipodes de l'action syndicale. Elles rappellent les luttes primitives d'ouvriers - le "luddisme" pratiqué en Angleterre - qui, au début du XIXe siècle, cassaient des machines à tisser pour s'opposer au progrès technique.
Secrétaire de la CGT, Mourad Rahbi - un ancien délégué de Cellatex, cette usine textile de Givet (Ardennes) où, en 2000, les salariés avaient menacé d'utiliser un stock de 46 tonnes de sulfure de carbone pour s'opposer à la liquidation - a jugé, dans L'Humanité-Dimanche du 23 juillet, ces actions "tout à fait normales dans le contexte actuel où les patrons annoncent des plans sociaux avec une grande brutalité ". Mais dans le projet de document d'orientation de son prochain congrès, la CGT voit dans la médiatisation de "certaines expressions d'indignation des salariés" - des séquestrations de dirigeants aux bonbonnes de gaz - des "tentatives" pour "discréditer" les luttes syndicales.
Dans ce contexte, le "G8" est condamné à réussir sa rentrée. M. Chérèque, qui relève qu'il n'a pas eu de tête-à-tête avec Nicolas Sarkozy depuis un an, espère une relance de l'action et met en avant la question des 30 milliards d'euros d'allégements de charges sociales consentis aux entreprises. Mais le rebond du G8 va être d'autant plus délicat que trois syndicats préparent leur congrès - la CGT à Nantes, du 7 au 11 décembre, la CFE-CGC, en février 2010, à Reims, et la CFDT, en juin 2010, à Tours - sur fond de bataille pour la représentativité qui va battre son plein en 2010.
Déjà les premières tendances dessinent un nouveau paysage. Désormais, pour être représentatif dans une entreprise, un syndicat doit obtenir 10 % aux élections professionnelles. Une règle qui, dans nombre d'entreprises, pénalise FO et plus durement encore la CFTC. En revanche, l'UNSA creuse son sillon. A l'origine de la réforme, la CGT et la CFDT fustigent des entorses "corporatistes", consenties par le législateur. Ainsi à Air France, le Syndicat national des pilotes de ligne, dominant dans sa catégorie, a obtenu d'être représentatif au niveau de l'entreprise alors qu'il est sous la barre des 10 %.
La CGT, dans le projet de document d'orientation de son congrès, et la CFDT, avec le rapport Grignard sur le syndicalisme, convergent dans la recherche de nouvelles armes. La CGT veut "rééquilibrer la négociation sociale dans un sens plus favorable aux salariés". Elle consultera les salariés "à toutes les étapes" de la négociation, qui peut mener à la conclusion de "compromis". Réformiste sans le dire, la CGT s'inscrit dans "un processus de transformations sociales progressives". Elle aborde les autres syndicats, sans exclusive, "dans un esprit d'ouverture et de rassemblement". Comme la CFDT, la CGT veut mieux articuler le rôle de la confédération et des syndicats de base. Et elle met l'accent sur la syndicalisation. Des pistes sur lesquelles la CGT et la CFDT seront à la fois en harmonie et... en concurrence.
Michel Noblecourt