Ploemeur-56 La maternité du Ter ferme ses portes
Ce mercredi 5 août 2009, à 18h, iln'y aura plus de maternité privée dans le pays de Lorient. La maternité de la clinique du Ter ferme ses portes. Une page qui se tourne pour la population mais aussi pour l'ensemble des salariées. Nonsans déchirement.
Elle a pointé le bout de sa frimousse à 12h03 précisément lundi. Une jolie tignasse brune, des petits doigts fins et fragiles. Jeanne, 50 cm de bonheur, est le dernier bébé né à la maternité de la clinique du Ter. Trois minutes tout juste après l'heure symbolique que la direction s'était fixée pour arrêter les accouchements. Et 48 heures avant la fermeture officielle. Ce soir, à 18h, le dernier tour de clé sera donné. Terminés les gazouillis et les pleurs des bambins. Terminés les papas souriants, un bouquet de fleurs à la main. Terminés les visages épanouis des mamans regardant leur enfant. Une page se tourne au pays de Lorient.
La seule maternité privée du secteur sanitaire ferme ses portes, 34 ans après son ouverture en 1975. Près de 30.000 petits bouts y ont vu le jour. Les quatre salles de travail, les deux salles d'accouchement, comme la salle de césarienne, sont vides. Propres. Rangées. Dans les couloirs du service, à quelques heures de la fermeture, la charge émotionnelle est lourde. Murielle est auxiliaire puéricultrice ici depuis 1987. Elle vient de terminer son service. Le lendemain, elle commence comme aide-soignante à l'hôpital de Lorient. Un reclassement. Difficile de quitter l'endroit ce soir-là. Difficile aussi de ne plus faire, pour le moment en tout cas, le métier qu'elle a choisi. Comme pour sa collègue, Isabelle, dans la maison depuis 1980.
«Beaucoup de chagrin et de larmes»
«Nous sommes toutes tristes comme des pierres», explique Valérie Mirebeau, la sage-femme responsable du service. «En moyenne, nous travaillons toutes ici depuis 18ans. Nous sommes toutes amies, nos enfants sont nés ici... Il y a beaucoup de chagrin et de larmes...». «Elles en ont lourd sur le coeur». Le docteur Joseph Josset, gynécologue obstétricien, était présent lors de la création de la maternité du Ter en 1975. Il est actuellement à la retraite, mais depuis un an, il revient comme praticien hospitalier assurer une à deux gardes par semaine, comme un autre collègue et comme plusieurs obstétriciens de l'hôpital public. L'objectif était d'organiser dans de bonnes conditions la fermeture de cette maternité privée et de permettre au Pôle femme mère enfant de l'hôpital du Scorff de se redimensionner pour accueillir les 900 naissances annuelles qui étaient enregistrées ici à Ploemeur.
Pas d'obstétriciens pour la relève
Une maternité qui ferme, faute d'avoir trouvé des médecins pour remplacer ceux qui partaient à la retraite. «Moi et mes trois autres confrères qui exercions ici avons cherché des successeurs», explique le Dr Josset. «On donnait même notre clientèle. Mais nous n'en avons pas trouvé un seul qui acceptait de prendre le risque professionnel de venir aujourd'hui exercer dans le privé, car cela signifie de prendre à sa charge une assurance dont les tarifs sont si exorbitants qu'ils sont dissuasifs. Ils font vite leur calcul, les jeunes médecins. Pour amortir cette assurance et gagner leur vie, ils doivent faire chacun 250 naissances par an environ... Ils préfèrent aller exercer dans le public avec le statut de salarié». Pourtant, cette maternité était connue et reconnue dans le pays de Lorient. Installée confortablement dans la commune de Ploemeur, le service était l'un des premiers du secteur sanitaire à proposer la péridurale à la fin des années 70. «Cela a attiré beaucoup de femmes», raconte Valérie Mirebeau. «Nous sommes montés jusqu'à 28 lits à la grande époque». Une grande époque où l'on pratiquait ici près de 1.500accouchements chaque année. C'était au milieu des années 80. «Nous étions quatre obstétriciens et nous étions surchargés», raconte le DrJosset. Au fil des années, la clinique s'est redimensionnée autour d'un millier de naissances par an, avec cinq obstétriciens et treize lits. 900 naissances par an encore l'année dernière. «Et jusqu'au bout, les femmes nous sont restées fidèles», explique la responsable du service. «On leur a expliqué depuis de longs mois l'échéance qui nous attendait et que certaines allaient devoir accoucher à l'hôpital. Au mois de juillet, nous avons eu encore 63 naissances».
18 salariées à reclasser
Une maternité qui fonctionne, qui a un bel outil de travail, «un personnel qualifié et extrêmement investi» mais qui ferme malgré tout. «Lorsque le groupe Vitalia a racheté l'établissement en 2006 nous souhaitions garder la maternité», souligne Olivier Devriendt, le nouveau directeur général, arrivé il y a deux mois. «Nous aurions préféré accompagner une reprise d'activité d'obstétriciens. L'ARH (Agence régionale d'hospitalisation) et la DDASS (Direction départementale de l'action sanitaire et sociale) également. Mais à un moment, il faut arrêter de s'acharner». Il a donc fallu gérer le reclassement des 18 salariées, «et gérer tout ça avec le plus d'humanité possible». Il y a eu moult négociations. Finalement, tout le monde a eu une proposition. Sur les sept sages-femmes, une d'entre elle part à la retraite, les autres poursuivront leur métier à l'hôpital ou à la clinique Océane de Vannes, propriété de Vitalia également. Pour les dix auxiliaires puéricultrices, même chose. Elles seront reclassées comme aides-soignantes entre l'hôpital du Scorff, la clinique Océane et la clinique du Ter. Une auxiliaire a trouvé du travail dans une crèche. Une seule a choisi de refuser les propositions qui lui étaient faites. La dernière est partie à la retraite. «Il faut vraiment rendre hommage à tout le monde. Personne n'a baissé les bras malgré les soucis d'avenir puis cette échéance déchirante». Ce soir, obstétriciens, sages-femmes et aides-soignantes se réuniront autour d'un pot. Pour mettre le point final à cette histoire.
Gaël Le Saout
Arrticle publié le mercredi 5 Aout 2009 sur le site : http://www.letelegramme.com