Août 1944-L’heure de la Grève générale et de l’Insurrection nationale
Août 1944-L’heure de la Grève générale et de l’Insurrection nationale
Alors que le monde du travail s’interroge sur les méthodes de luttes conduites par les 8 confédérations dont la CGT au cours de cette année 2009 et sur la démobilisation à laquelle elles ont abouti, il n’est pas inutile de rappeler que la grève générale a fait ses preuves …L’histoire de notre CGT en témoigne. Voici un extrait d’un livre publié par le Centre Confédéral d’Education Ouvrière de la CGT « esquisse d’une histoire de la CGT -1895-1965» sur la grève générale qui a débouché sur la Libération du pays.
Les maquis, très actifs dans le Centre Bretagne, en harcelant depuis des mois l'occupant et en répondant à l'appel
à la grève insurrectionnelle ont préparé le terrains aux chars alliés qui cherchaient à atteindre Brest au plus vite.
« Sous les coups décisifs de l'Armée soviétique, les troupes allemandes sont chassées des territoires de l'Est qu'elles avaient occupés. Berlin va être assiégé. Les troupes anglo-américianes, après des campagnes victorieuses en Afrique du Nord et en Italie, débarquent enfin en France en juin 1944.
Depuis 1943, la lutte de résistance a gagné l'ensemble du pays.
De puissantes manifestations et grèves ont marqué le 1er mai 1943. A Grenoble, grève de 24 heures dans les métaux, le bâtiment et le textile; à Lyon, grève aussi dans les métaux et le bâtiment et à Saint-Etienne, dans la métallurgie. A Marseille, une grande manifestation pour le ravitaillement met la ville en état de siège. Bientôt, attaques armées de groupes de partisans, sorties des maquis et grèves plus amples harcèlent les troupes d'occupation.
Dès janvier 1944, la C.G.T. qui constate cette progression appelle à accentuer la lutte. Elle dresse le bilan des actions.
« Chez les mineurs, dit son appel du 5 janvier, ce sont : la récente grève générale de 70 000 gueules noires du Nord et du Pas-de-Calais, la grève des 8 000 mineurs de la Saône-et-Loire, la grève perlée à La Mure, avec réduction de 70 % de la production, des grèves de puits dans les concessions de l'Aveyron et de la Loire.
Chez les cheminots, les arrêts limités du travail, les manifestations, dépôt de cahiers de revendications se multiplient. A Dijon, deux arrêts de travail ont déjà eu lieu pour arracher de la mort six cheminots condamnés par les boches. A Dijon, comme dans les environs, ils sont prêts à lancer une grève jusqu'à l'obtention de la grâce et de la libération de ces camarades. C'est un exemple magnifique de lutte grandissante contre la terreur.
Chez les métallurgistes, de nombreuses et importantes grèves et arrêts de travail se Sont produits dans les usines de la région parisienne comme en province, dans les départements du Nord, de l'Isère, à Marseille, à Lyon, etc. Tous ces mouvements ont obtenu des résultats.
Le congrès du syndicat du Métro (surface et souterrain) a décidé à l'unanimité la grève pour le 15 décembre. Les syndicats des cuirs et peaux de la région parisienne ont décidé une journée revendicative pour le 13 décembre.
Ainsi se manifeste en une vague grandissante de grèves et d'actions revendicatives, la volonté des travailleurs de passer outre aux difficultés actuelles et malgré la répression, l'occupation et la terreur d'arracher de haute lutte leurs légitimes revendications,
... L'heure est propice, poursuit l'appel, aux actions multiples et d'ensemble. »
Le 1er mai 1944 marque un nouvel essor des luttes ouvrières. De multiples arrêts de travail et manifestations locales et d'entreprises ont lieu ce jour-là. C'est ce que le bureau confédéral demandait dans son manifeste, que des milliers de tracts et d'exemplaires de La Vie Ouvrière clandestine avaient diffusé.
« A 11 heures, dans toutes les entreprises, cessez complètement le travail jusqu'à midi. Rassemblez-vous sur le lieu du travail, donnez lecture de votre cahier de revendications, élisez de puissantes délégations qui le porteront aux directions accompagnées de tous les ouvriers de l'entreprise, au chant de la « Marseillaise » et au chant de la classe ouvrière « L'Internationale ». »
D'importantes manifestations populaires ont lieu aussi à l'occasion du 14 juillet. A Paris, place de la République, plusieurs milliers de patriotes sont réunis à l'appel du Front national, de l'Union des syndicats et du Parti communiste.
Ces milliers de grèves et de manifestations, ces multiples sabotages et opérations des groupes de partisans préparaient la grève générale et l'insurrection populaire de masse qui furent décisives pour la libération nationale.
Elles débutent le 10 août. Les cheminots de la région parisienne entrent en grève, immobilisant les convois militaires allemands. En une semaine, le mouvement gréviste s'étend à la plupart des services publics. Le 15 août, la police parisienne est en grève.
Le moment est venu de lancer l'assaut final. Le 18 août, la C. G. T. donne l'ordre de grève générale pour la libération, appel établi en commun avec le bureau de la C. F. T. C.
« Voici l'heure du devoir, la route de la victoire s'ouvre pour la libération. Il faut anéantir à tout jamais les hordes étrangères et, avec elles, les forces occultes et avouées qui, sur le sol de notre pays, ont semé depuis quatre ans la mort dans nos familles, la famine dans nos foyers et provoqué l'avilissement de l'homme dans son travail même. Sous les plis des drapeaux de la libération, unissons-nous, frères des usines et des champs, plus étroitement encore, à l'ensemble de la nation. Reconquérons nos libertés. Frappez dur et ferme vos oppresseurs. »
Il ne semble pas que le général de Gaulle ait approuvé de tels moyens de lutte, comme la grève, directement inspirés de la pratique syndicale. En tous cas son délégué au Conseil National de la Résistance demanda que les ordres de grève fussent rapportés : Saillant (co-secrétaire général de la CGT) s'y opposa.
C'est que cette grève est le résultat d'une longue préparation.
Le 2 juin 1944, dans une circulaire à toutes ses organisations, le bureau confédéral de la C.G.T. appelait les militants à se placer résolument « à la tête des masses pour le déclenchement et la conduite de la grève générale ». Il y demandait notamment :
« ... De ne pas considérer que la grève générale et l'insurrection nationale peuvent surgir un beau jour d'un mot d'ordre donné. Elles ne peuvent être que le couronnement d'actions constantes qui se développent en quantité et en qualité, qui mobilisent les masses, les aguerrissent, leur permettent de perfectionner leurs organisations de combat et les préparent à la coordination de leurs efforts à une action générale lorsque les circonstances rendent cette action possible et nécessaire... Le bureau confédéral, poursuivait la circulaire, condamne de façon formelle tout attentisme qui se manifeste, soit par le refus d'organiser les luttes revendicatives, soit par l'opposition à ces luttes et à leur élargissement ... L'organisation est la base de la réussite de toute action, même et surtout d'une action générale. »
Le 19 août, la grève est effective à 100 %. A 9 h du matin, le Conseil National de la Résistance décrète l'insurrection nationale. Des barricades sont dressées dans la capitale et de nombreuses colonnes allemandes, obligées de combattre, sont écrasées. En quelques jours, du 19 au 25 août, Paris se libère.
Le rôle des militants syndicaux est décisif. Louis Saillant est à la présidence du Conseil National de la Résistance, André Tollet secrétaire de l'Union Départementale de la Seine est président du Comité parisien de libération. Le général Von Choltitz capitule entre les mains du général Leclerc et du chef d'Etat-Major des F. F. I. de l'Ile-de-France, le colonel RoI-Tanguy ancien militant du syndicat unitaire des métaux.
Le 26 août, le bureau de la C.G.T. réunifiée tient séance au 213, rue Lafayette. D'ailleurs, dès le 27 juillet 1944, le gouvernement provisoire de la République avait promulgué à Alger une ordonnance rétablissant la liberté syndicale, annulant les lois du 16 août 1940 et du 4 octobre 1941 et restituant à la C. G. T. et à la C. F. T. C. les biens qui leur appartenaient avant leur dissolution.
Les ennemis sont bientôt chassés hors de France. L'Allemagne sera totalement investie et occupée. Les nazis capitulent sans conditions le 8 mai 1945. »
Extrait d’une « Esquisse d’une histoire de la CGT-(1895-1965) »
Jean BRUHAT & Marc PIOLOT
Préface de René DUHAMEL
Edité par le CCEO-CGT
Pages 183 à 186