Regards croisés sur le syndicalisme
Regards croisés sur le syndicalisme
Syndicats . Malgré des différences d’approches face à la crise, Bernard Thibault et François Chérèque considèrent urgent de rapprocher l’action syndicale du salarié.
« Je remarque que les attentes vis-à-vis du syndicalisme sont bien plus importantes que notre potentiel de réponses. » En quelques mots, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a dessiné les défis auxquels les syndicats français sont confrontés. L’invitation, à laquelle il avait répondu de débattre de ce thème avec François Chérèque, lors de l’université d’été de la CFDT à Boissy-la-Rivière jeudi, constituait un événement dont les deux leaders syndicaux souhaitaient qu’il devienne une banalité.
François Chérèque soulignant que les rapports avaient souvent été tendus entre la CFDT et la CGT, mais jamais interrompus. Aujourd’hui encore, les différences sont nettes entre les deux syndicats, face à la crise. En cette rentrée, la CFDT souhaite surtout « capitaliser les acquis » du mouvement syndical tandis que la CGT se montre très critique face au gouvernement et au patronat et met l’accent sur les luttes et la mobilisation. Mais entre les deux principales centrales, le constat de la faiblesse du syndicalisme est convergent. Toutes deux ont inscrit à l’ordre du jour de leurs congrès respectifs, en décembre celui de la CGT, au printemps 2010 celui de la CFDT, la réflexion sur les changements nécessaires pour adapter l’organisation aux mutations du salariat.
La crise produit « un effet de loupe » sur les faiblesses des syndicats, affirme le secrétaire général de la CFDT. « Quand 7 % des nouveaux chômeurs le sont dans le cadre d’un plan social, ça veut dire que 93 % proviennent d’endroits où le plus souvent on n’est pas », argumente-t-il. La syndicalisation des salariés semble être pour l’un et l’autre le premier défi. « Il faut rapprocher le syndicalisme du salarié pour gagner des résultats concrets pour lui », indique François Chérèque.
« Mais comment organiser des salariés aux profils et aux statuts très différents aujourd’hui ? demande Bernard Thibault. C’est plus difficile aujourd’hui. Il faut faire évoluer le périmètre de nos syndicats. Et il ne peut pas y avoir de modèle unique en la matière, chaque syndicat doit repenser son propre périmètre. » La CGT réfléchit également à l’organisation des travailleurs précaires, itinérants, des chômeurs, une population salariée qui augmente, mais qui sont tenus à l’écart des modes d’organisation actuelle des syndicats. Ces réflexions devraient aboutir à des restructurations des organisations territoriales et des fédérations professionnelles de la CGT.
Le second défi semble être celui du rapprochement de syndicats. Depuis plusieurs années, la CGT avance l’idée d’un « syndicalisme rassemblé ». La loi sur la représentativité, souhaitée par la CGT et la CFDT, peut pousser à des regroupements, une recomposition du paysage syndical. « Aucun des syndicats ne peut prétendre seul inverser la tendance », assure Bernard Thibault, qui ne croit pas à des projets de « fusion-absorption concoctés dans des cercles restreints ». Il pense que la nature des rapports entre syndicats doit changer. « La crédibilité du syndicalisme dans son ensemble passe par l’attitude de chacun des syndicats », assure-t-il.
Au contraire, François Chérèque pense qu’il n’est pas normal qu’il existe « deux syndicats de même culture, aussi proches l’un de l’autre que la CFDT et la CFTC ». « Je regrette que ce soit impossible, précise-t-il. Il ne s’agit pas qu’un syndicat mange l’autre mais que deux syndicats travaillent ensemble pour construire une organisation. »
Olivier Mayer
Article publié le lundi 31 août 2009 dans le journal l’Humanité et sur le site humanite.fr
http://www.humanite.fr/2009-08-31_Politique-_-Social-Economie_Regards-croises-sur-le-syndicalisme