Amiens(80) Pourquoi les six Conti espèrent la relaxe
Xavier Mathieu aux côtés de son avocate, sortant du tribunal correctionnel de Compiègne,
en septembre. Il vient d'apprendre qu'il est condamné à 5 mois de prison avec sursis.
(Photo DOMINIQUE TOUCHART)
Six salariés de l'usine de pneus de Clairoix sont jugés par la cour d'appel, aujourd'hui. Ils ont été condamnés en correctionnelle pour le saccage de la sous-préfecture de Compiègne. Leur leader plaide « le coup de colère non prémédité ».
Dix mois après la fermeture dans l'Oise de l'usine Continental de Clairoix (1 120 emplois), six ex-salariés de l'équipementier automobile seront à nouveau jugés aujourd'hui, à Amiens, pour le saccage de la sous-préfecture de Compiègne au printemps. Ils plaideront la relaxe. Leur leader, Xavier Mathieu, espère même que « l'État ne se constitue pas partie civile », au nom du droit à « la paix » des Conti. Explications.
Le 21 avril, 300 salariés de Continental envahissent la sous-préfecture de Compiègne. Le tribunal de grande instance de Sarreguemines vient de débouter le comité d'entreprise (CE), le comité central d'établissement (CCE) et l'intersyndicale CFDT/CGT/CFTC/FO/CGC qui réclament l'annulation du plan social de l'équipementier automobile. Après six semaines de mobilisation quotidienne sans accroc, c'est le dérapage. Trois bureaux de la sous-préfecture, dont celui du sous-préfet, sont mis à sac. Vitres, matériel informatique, téléphones, ascenseur, mobilier ; tout y passe. Même le buste de Marianne - symbole parmi les symboles - devra être remplacé.
C'est la question que se posent souvent les témoins du saccage. Ces sept-là (six hommes et une femme dont le leader cégétiste, Xavier Mathieu) ont été identifiés par la direction de l'usine sur les images de TF1, non floutées et utilisées par les juges du tribunal correctionnel de Compiègne, le 17 juillet. Selon leur avocate Marie-Laure Dufresne-Castets, ils sont sympathisants ou adhérents de la CGT. Devant le tribunal correctionnel, le 17 juillet, aucun n'a reconnu la casse. À peine certains se sont-ils rappelés avoir « bousculé un truc » ou « jeté des feuilles vierges ». Xavier Mathieu a plaidé « le coup de colère non prémédité ».
Un seul salarié est relaxé. Les six autres ont été condamnés à des peines de 3 à 5 mois de prison avec sursis pour « destruction de biens d'utilité publique en réunion ». Fait exceptionnel, les juges compiégnois les ont « solidairement » condamnés à rembourser les dégâts, estimés à 63 000 € par les pouvoirs publics, avant même l'audience sur intérêts civils. Très rapidement, le syndicat CGT de Continental, soutenu par l'extrême gauche et Lutte ouvrière, a placé le dossier sur le terrain politique et estimé que « ne pas faire appel, c'est reconnaître implicitement qu'on est des casseurs ». Selon leur avocate, la condamnation des six Conti équivaut au retour de la loi anticasseurs, abrogée par la gauche en novembre 1981. Votée en 1970, cette loi permettait de sanctionner « les instigateurs, les organisateurs ainsi que toute personne ayant figuré parmi les membres d'un groupe, qu'ils aient pris part ou non à des actions violentes contre les biens ou les personnes ».
Sur le plan juridique, beaucoup craignent - à l'instar des syndicats de la magistrature et des avocats de France - que la condamnation des six Conti contribue « à la pénalisation du mouvement social » et « anticipe le retour de la loi anticasseurs ». À droite, le sénateur maire UMP Philippe Marini a déjà réclamé « une jurisprudence Continental » applicable aux casseurs de lieux publics. À gauche, le Parti socialiste - par la voix de la conseillère régionale Laurence Rossignol - a plaidé pour un « geste d'apaisement » auprès de Nicolas Sarkozy.
À deux mois des régionales, le procès des six Conti devient une tribune politique pour toute la gauche, qui envoie ses principaux ténors comme témoins de moralité, au chevet d'un symbole : celui de « la classe ouvrière malmenée par le gouvernement ».
L.GALDEANO
Article publié le 13 janvier 2010 sur le site http://www.courrier-picard.fr