AP-HP (75)Le blues des soignants de Saint-Vincent-de-Paul
L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul se meurt doucement. Après le déménagement du service de pédiatrie et d’urgence pédiatrique, fin juillet, le service de radiologie est sur le départ. La fermeture définitive de l’établissement est prévue en 2012.
À l’entrée de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul (quatorzième arrondissement de Paris), une grande pancarte bleue illustrée d’un bébé joufflu dans les bras de sa maman rappelle que la maternité accueille toujours les patientes. L’inscription exaspère Odile (1), aide-soignante au service d’endocrinologie : « C’est comme si nous étions déjà partis, que nous n’existions plus. » Son service, encore dans les murs de l’hôpital, n’a pas le droit à autant de visibilité.
Le plan de restructuration de l’Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP) bat la mesure dans l’ancien hospice des enfants assistés créé en 1638. Depuis 2000, l’épée de Damoclès planait sur la petite structure. Entre juin et juillet, le service de pédiatrie et d’urgence pédiatrique a déménagé vers l’hôpital Necker. Le service de radiologie est sur le départ. Avant la fermeture totale en 2012.
une cellule de reclassement inefficace
Pour la conseillère reclassement de Saint-Vincent, tout va bien. Sur les 350 à 400 personnes concernées, la majorité aurait retrouvé un poste. Autre son de cloche pour Bernard Giusti, secrétaire de la CGTet dernier représentant syndical sur les lieux, qui explique qu’il n’y aurait que 190 postes ouverts à Necker, et du personnel sans solution.
Catherine Lupo, aide-soignante au service de radiologie à Saint-Vincent-de-Paul, est dans ce cas. Elle a refusé tout net d’intégrer la cellule de reclassement, qu’elle juge inefficace. « Je voulais aller à Port-Royal, mais il n’y avait déjà plus de place ! On m’a proposé un poste d’agent des services hospitaliers (ASH) à Cochin qui ne correspondait absolument pas à mes attentes. De plus, dans ces hôpitaux, ils nous forcent à travailler en service de 12 heures alors que nous étions en 7 h 36 à Saint-Vincent. C’est impossible pour moi qui vit seule avec ma fille. » De retour de vacances le 30 août, elle est dans l’expectative. Elle pense être obligée d’aller travailler dans le privé. Elle dénonce une ambiance pesante dans les services de Saint-Vincent. Du personnel en souffrance. Et des cadres à l’affût. « Ceux qui parlent trop ne sont jamais sûrs d’être reclassés », lâche-t-elle.
Au CHSCT du 29 juin, d’après la CGT, le médecin du travail a constaté une hausse des dépressions et comportements addictifs dans la structure. D’autant que le directeur du groupe hospitalier Cochin-Saint-Vincent-de-Paul ne recule devant rien. Non content d’organiser le désossement de son hôpital, il a eu le bon goût de fêter les transferts de services par un buffet dans la cour, le 25 juin ! Sitôt rebaptisé « le buffet de la honte » par les syndicats et certains salariés, médusés. Ils n’ont toujours pas digéré les macarons.
le vilain petit canard de l’AP-HP
Malgré ses compétences, notamment en ce qui concerne la prise en charge de la leucodystrophie, Saint-Vincent-de-Paul est considéré comme le vilain petit canard de l’AP-HP, marqué par les scandales des fœtus mal conservés en 2005 et la mort accidentelle du petit Ilyès, en décembre 2008. Après dix ans de lutte, le comité de sauvegarde de l’hôpital et les soignants se sont inclinés. L’heure est à la « résignation angoissée ». Dans les couloirs de Saint-Vincent, il n’y a plus un chat. « Notre hôpital est déjà mort ! » lance Odile.
(1) Le prénom a été changé.
LE CHIFFRE :
276 Ce que représente en millions d’euros les réductions budgétaires envisagées par l’AP-HP dans son plan stratégique 2010-2014.
Source : humanite.fr (25 aout 2010)