Faire garder ses enfants pourrait devenir un casse-tête

Publié le par sphab/cgt & associés

Faire garder ses enfants pourrait devenir un casse-tête

 

 

Premier mode de garde extérieur des enfants en bas âge, les assistantes maternelles vont partir massivement à la retraite d’ici à 2015.

Alors que les besoins ne sont actuellement pas couverts, rendre ce métier plus attractif est un impératif, qui se heurte aux réalités budgétaires.

Promis en 2007 par Nicolas Sarkozy, le droit opposable à la garde d’enfants semble définitivement enterré.


110902-LC.com-Faire-garder-ses-enfants.jpgDes assistantes maternelles manifestent, à Lyon, le 19 novembre 2008, contre le projet de droit opposableà la garde d'enfant à l'initiative du gouvernement prévu pour 2012 qui menacerait directement leur profession.

 

Estelle est sereine. Lundi, fin des vacances oblige, Élie, son fils de 2 ans, va retrouver son assistante maternelle. Dans le petit village de l’Yonne où elle habite, cette mère de 34 ans n’a pas eu de difficultés à trouver la perle rare. « Ici, la première crèche est à 15 kilomètres mais, heureusement, il y a suffisamment d’assistantes maternelles pour répondre à la demande des parents »,  explique cette directrice commerciale.


Ces prochaines années, pourtant, même à la campagne, la recherche d’un mode de garde pourrait devenir un casse-tête, à l’image des grandes villes. Car les assistantes maternelles, qui constituent aujourd’hui le premier mode de garde des enfants en bas âge (hors garde parentale), vont massivement partir à la retraite. 


D’après un rapport de la députée Michèle Tabarot, « avec potentiellement 80 000 départs en retraite d’ici à 2015, le vieillissement des assistantes maternelles fait peser un risque de pénurie pour cette profession ».

 

Du côté du ministère des solidarités et de la cohésion sociale, on estime les départs à 30 000 chaque année. De quoi inquiéter, alors que les besoins nationaux en mode de garde ne sont pas couverts, que la natalité reste forte et que la scolarisation des moins de 3 ans s’effondre.

Un métier souvent choisi “par défaut”

Certes, les effets ne se font pas encore sentir. Depuis 2008, la tendance est même plutôt favorable avec une augmentation du nombre d’assistantes maternelles et donc des places disponibles pour les tout-petits. Ainsi, en 2009, leur nombre a crû de 5 % (+ 16 125) et 21 200 enfants supplémentaires ont été accueillis. « Ces résultats sont encourageants »,  observe-t-on au ministère, qui y voit l’effet de mesures récentes. Tout d’abord, la professionnalisation du secteur : en juin 2005, le statut des assistantes maternelles a été réformé, avec le doublement des heures de formation (120 heures) et l’obligation de signer un contrat de travail. 


Fin 2008, le gouvernement a lancé un « plan métiers de la petite enfance » pour attirer de nouvelles recrues en encourageant la validation des acquis de l’expérience et des passerelles avec le secteur médico-social. 


Au même moment, l’ancienne secrétaire d’État à la famille, Nadine Morano, autorisait les regroupements d’assistantes maternelles et rendait possible l’accueil de quatre enfants au lieu de trois.


La relève n’est pas pour autant assurée. Selon le président de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), Jean-Louis Deroussen, « la récente hausse du nombre d’agréments peut être un effet de la crise économique. Des femmes licenciées ou ayant du mal à trouver un emploi se lancent dans la garde d’enfants pour passer le CAP et rapporter un revenu complémentaire au foyer. »  


Sans que ce choix soit forcément pérenne. « Il s’agit d’un métier très lié à la conjoncture »,  confirme de son côté Thierry Damien, président de Familles rurales. Quant à la direction des statistiques (Drees), elle souligne dans une note de mai 2008 que le choix de devenir assistante maternelle « a rarement été le premier. (…) Globalement peu diplômées et disposant d’une faible expérience professionnelle, elles choisissent souvent ce métier “par défaut” plus que “par vocation” ».  

Le salaire net moyen s’établit à 818 €

De fait, en dépit des efforts récents, il reste beaucoup à faire pour rendre le métier attractif. Isolement, manque de reconnaissance, forte amplitude horaire et surtout faible rémunération. 

D’après la Cnaf, le salaire net moyen des assistantes maternelles s’établit à 818 €. Et s’il peut atteindre, voire dépasser 1 200 € mensuels à Paris et dans les Hauts-de-Seine, il est inférieur à 600 € dans plusieurs départements comme l’Aisne, la Haute-Marne ou la Haute-Saône. 


Une question complexe car, tout en luttant contre des salaires trop bas, il faut aussi s’assurer qu’en face, les familles ont les moyens de payer. Une « tension permanente entre deux impératifs »,  comme le résume Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil de la famille.

Ce n’est pas le seul obstacle. Pour devenir assistante maternelle, c’est-à-dire accueillir les enfants chez soi, il faut disposer d’un logement suffisamment grand, ce qui est loin d’être évident dans les agglomérations. Et pour celles qui habitent dans des quartiers populaires ou en HLM vient ensuite le problème de la proximité avec les familles qui recherchent une nounou.

Des « maisons d’assistantes maternelles »

Pour remédier à ces freins, la secrétaire d’État chargée de la famille, Claude Greff, souhaite encourager les « maisons d’assistantes maternelles » (il en existe seulement 189 aujourd’hui) et estime que les conseils généraux pourraient faire preuve de plus de souplesse dans la délivrance des agréments. « La plupart délivrent l’Agrément pour deux enfants et tardent à délivrer l’agrément pour le troisième, ce qui occasionne un préjudice financier. »

 

 « Tout cela, c’est du rafistolage !,  déplore l’économiste Hélène Périvier, pour qui autoriser l’accueil de quatre enfants au lieu de trois, c’est « rogner sur la qualité ».  « En réalité,  poursuit-elle, il faudrait repenser globalement l’accueil du jeune enfant en France et, pour cela, mettre de l’argent sur la table. »  Cette spécialiste de la politique familiale a calculé qu’il faudrait cinq milliards d’euros supplémentaires pour couvrir l’ensemble des besoins.

 

MARINE LAMOUREUX

 

 

 


source: lacroix.com ( jeudi 1er septembre 2011)



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