Fonctionnaires : malgré l'inflation, Bercy veut à nouveau geler le point d'indice en 2012
Le rendez-vous salarial annuel se tient demain dans la fonction publique. Le gouvernement devrait annoncer la poursuite du gel du point d'indice en 2012 au nom de la rigueur budgétaire. Il assure que les mesures individuelles prévues garantissent la progression du pouvoir d'achat des agents.
Nouvelle source de tension en vue pour le gouvernement sur le front du pouvoir d'achat, versant secteur public cette fois. François Baroin, ministre du Budget, et Georges Tron (Fonction publique) reçoivent demain les syndicats pour le « rendez-vous salarial » annuel de la fonction publique. Il se limitera à cette unique journée. Il n'en faudra pas plus faute de grain à moudre : selon nos informations, Bercy va annoncer la poursuite en 2012 du gel du point d'indice (base de calcul du salaire des agents), déjà acté pour 2011. Une ultime réunion interministérielle est prévue ce soir mais une rallonge de dernière minute est très peu probable d'après plusieurs proches du dossier.
Lors des discussions salariales triennales de juillet dernier, le gouvernement avait déjà indiqué que le gel annoncé pour 2011 serait prolongé en 2012 à moins d'un redressement spectaculaire des comptes de l'Etat. En dépit de la grogne sociale liée aux tensions inflationnistes, cette ligne de fermeté reste de mise. « On ne dispose toujours pas des marges de manoeuvre. L'impératif absolu reste la maîtrise des comptes », indiquait, le 31 mars, Georges Tron en marge de l'annonce de l'agenda social.
« Le contexte n'a pas changé depuis », commente-t-on à l'Elysée.
« Point d'étape » en fin d'année
A l'heure où une prime exceptionnelle est agitée dans le privé, les 5,2 millions de fonctionnaires (Etat, hôpitaux, collectivités), déjà remontés contre les coupes d'effectifs, se sentiront sûrement oubliés. Mais l'exécutif a beau vouloir redorer son blason auprès de cet électorat, le coût budgétaire d'une hausse du point d'indice (900 millions d'euros par an par point en plus pour les trois fonctions publiques) devrait vite couper court aux débats. Pour arrondir les angles, Bercy pourrait cependant poser la perspective, inhabituelle, d'un nouveau « point d'étape » en fin d'année. Il laisserait ainsi entrevoir un geste futur si la croissance a bondi. Ou si, à l'approche de l'élection présidentielle, l'urgence politique fait bouger les lignes...
Les syndicats ne sauront s'en contenter. Début avril, ils ont souligné dans un communiqué commun que « dans un contexte annoncé de forte inflation », un nouveau gel du point « accentuerait la perte déjà considérable de pouvoir d'achat, l'écrasement de la grille indiciaire et l'affaiblissement des déroulements de carrières ». Comment réagiront-ils face à la fermeté de Bercy ? La perspective des élections professionnelles d'octobre les rend offensifs. Mais leurs capacités d'action semblent limitées dans une période où les agents sombrent plus dans l'abattement que dans la révolte. Pour l'instant du moins. « Les agents se sentent abandonnés. Le gouvernement devrait se méfier avant de les pousser à bout », prévient Bernadette Groison (FSU).
Anticipant les critiques, le secrétariat d'Etat à la Fonction publique souligne que « gel du point ne signifie pas gel des salaires ». Le jeu naturel des avancements automatiques de carrière et des promotions accélérées (1,2 milliard d'euros de coût annuel) assure en effet la progression des rémunérations individuelles. Mais cela ne bénéficie pas à tous les agents chaque année. « Le pouvoir d'achat des agents n'a cessé de progresser depuis plusieurs années et continuera de le faire en 2011 », insiste l'entourage de Georges Tron. Les données de l'Insee confirment cette hausse pour 2007 et 2008 mais ne sont pas encore disponibles pour 2009 et 2010.
Intéressement et primes au mérite
En ce qui concerne 2012, les agents de l'Etat se verront à nouveau reverser, via des mesures catégorielles, la moitié des économies liées aux suppressions de postes. Cette enveloppe de 600 millions d'euros sera complétée par des mesures déjà sur les rails, comme le lancement de l'intéressement et l'extension des primes au mérite. Bercy pourrait en outre rallonger, d'une vingtaine de millions d'euros, le budget de l'action sociale : prestations d'aides au logement, garde d'enfants, etc.
Sur le fond, l'exécutif estime que le levier du point d'indice est un « saupoudrage » qui n'a d'utilité qu'en cas de forte inflation, et juge la hausse actuelle des prix encore assez contenue. Reste qu'elle pourrait à terme l'obliger à s'adapter : si l'accélération des prix imposait une hausse anticipée du SMIC (« Les Echos » du 15 avril), l'Etat serait contraint de revaloriser les bas de grilles repassés sous le salaire minimum.