L'intervention syndicale dans le mouvement tunisien
photo de Lucas Mebrouk Dolega (EPA)
Elle a su avec des dirigeants honnêtes et courageux contester des décisions du leader historique de la Nation Habib Bourguiba pour défendre de manière intransigeante les intérêts des salariés.
Cependant, depuis l'accession de Ben Ali au pouvoir (1987), c'est à une caporalisation et à une bureaucratisation du mouvement syndical que l'on a assisté.
C'est la seule et unique centrale autorisée sous le régime de Ben Ali pourvue de l'exclusivité de la représentation du monde du travail.
Forte de 400. 000 adhérents dont le quart environ appartiennent à l'éducation nationale, elle ne doit une bonne partie de ses ressources et de ses moyens qu'à la bonne volonté du pouvoir. C'est dire que jusqu'à une période récente sa direction a de manière zélée servi davantage ses intérêts que ceux des travailleurs.
C'est ainsi que confrontée à d'importantes luttes impulsées au plan local à Gafsa ou Kasserine et à de puissants mouvements enseignants, cette direction (le Bureau exécutif) n'a pas hésité par exemple en 2006 à prendre des mesures disciplinaires à l'encontre de ceux qui animaient ces luttes et qu'ils appelaient des "fauteurs de trouble" et à faire comparaitre Mohamed H’laïem et Slim Ghriss, respectivement secrétaire général et membre du Bureau exécutif du syndicat général de l’enseignement de base devant la commission nationale de règlement du syndicat.
C'est dire aussi jusqu'où pouvait être poussé le "dialogue social" et la stratégie d'accompagnement syndical de la dictature en place.
Pourtant comme le souligne Algeria Watch (Information sur les droits humains en Algérie), "Si sa direction nationale a souvent été proche du pouvoir, ses unions régionales et ses cadres locaux ont de tout temps soutenu et accompagné les mouvements de protestation. L’implication de sa structure régionale dans les événements qui ont secoué Sidi Bouzid en constitue la meilleure preuve".
Et donc ce positionnement à la base du syndicat constitue un incontestable et important point d'appui pour le mouvement en cours ses locaux -dont la police a fait souvent le siège, tandis que de nombreux militants étaient agressés- servant de point de ralliement àla contestation populaire.
De même manière que ce positionnement a contraint la direction de l'UGTT àaffermir ses positions et à inscrire davantage son action dans le mouvement de revendications sociales et démocratiques en cours.
Dans cette période d'affrontement et d'espoir beaucoup repose donc aussi sur la capacité de mobilisation et d'organisation de l'UGTT. Alors que nombre de commentateurs avisés "oublient" de mentionner ce rôle central de l'outil syndical et de la classe ouvrière ce faisant.
Pour information, au plan international l'UGTT a appartenu à la CISL et appartient présentement à la CSI (à laquelle appartient la CES) qui le 11 janvier dernier appelait certes à la mobilisation contre la répression mais appelait aussi Ben Ali à la concrétisation de ses promesses dans le même temps où la rue exigeait son départ !
La secrétaire générale de la CSI Sharan Burrow ajoutant qu' "Initier un vrai dialogue est une nécessité urgente en Tunisie", cela bien sûr avant l'annonce de la fuite de Ben Ali.
La Fédération Syndicale Mondiale(FSM) déclarant elle "sa solidarité avec le peuple de Tunisie protestant contre le taux de chômage élevé et en lutte pour son droit au travail".
"Et, au nom de 80 millions d’adhérents dans 120 pays dans le monde entier, [exigeant] la satisfaction des revendications du peuple en lutte. [Et appuyant] les luttes du mouvement syndical en Tunisie".
Article du Front Syndical de Classe (mardi 18 janvier 2011)