Les déserts médicaux divisent les politiques

Publié le par sphab/cgt & associés

 

Les déserts médicaux divisent les politiques

 

Mercredi 13 avril, l’Assemblée nationale a écarté toute mesure coercitive pour obliger les médecins à exercer dans les zones sous-dotées. Les partisans d’une plus grande fermeté comptent bien se faire entendre lors de l’élection présidentielle

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Gérard Feuillette, maire de Seboncourt (Aisne), ausculté, par le médecin généraliste roumain du village,

auquel il a fait appel après le départ à la retraite de son prédécesseur (FRANCOIS NASCIMBENI/AFP).

 

La carotte ou le bâton ? Depuis des années, c’est toujours le même débat chaque fois qu’on évoque le problème des déserts médicaux : faut-il privilégier des mesures incitatives ou coercitives pour permettre l’installation de médecins dans des zones rurales ou urbaines menacées par des difficultés d’accès aux soins ?

Récurrent, ce débat est de nouveau d’actualité. Mercredi 13 avril au soir, les députés ont voté un amendement écartant toute mesure contraignante vis-à-vis des médecins dans ce domaine. Cette question de la démographie est aussi au cœur des négociations qui viennent de s’ouvrir entre l’assurance-maladie et les syndicats, en vue d’élaborer une nouvelle convention médicale.

« Surtout, il est évident que cela sera un des grands sujets de l’élection présidentielle », affirme Marc Bernier, député UMP de Mayenne. « Ce qui est en jeu, ici, c’est l’égalité des Français devant la santé et, au-delà, le risque de fractures territoriales dans notre pays. C’est un enjeu majeur qui, je peux vous le garantir, est jugé prioritaire par un grand nombre de nos concitoyens », ajoute cet élu, proche de Dominique de Villepin.

En 2012, le sujet devrait provoquer un vrai clivage. En cas de candidature, Nicolas Sarkozy défendra, de manière quasi certaine, une approche uniquement incitative pour attirer des médecins dans les zones déficitaires.


« Les mesures incitatives n’ont pas réglé le problème »

 

S’il respecte le programme élaboré par son parti, le candidat socialiste privilégiera, lui, des mesures plus contraignantes. « Sans remettre en cause la liberté d’installation dans son principe, nous pensons utile de mieux la réguler », explique Christian Paul, député PS de la Nièvre.

« On pourrait très bien imaginer d’imposer à de jeunes médecins, à la sortie de leurs études, d’exercer pendant deux ou trois ans dans des zones prioritaires », ajoute-t-il. La carotte et le bâton en même temps. Une approche qui, à vrai dire, est aussi défendue par certains parlementaires de la majorité.

« Les mesures incitatives ont déjà été essayées et n’ont pas permis de régler le problème. Il faut tenter autre chose », plaide Marc Bernier. « Aujourd’hui, le gouvernement n’a qu’une obsession : ne surtout pas mécontenter les médecins. Mais ce n’est pas en se livrant à cette chasse effrénée à l’électorat médical qu’on va avancer », affirme Hervé Maurey, sénateur centriste de l’Eure.

Cette ligne de fracture est clairement apparue en 2009, lors de la discussion au Parlement de la loi « hôpital, patients, santé et territoires » (HPST). Après des débats acharnés, le gouvernement avait réussi à faire voter un texte privilégiant l’incitation, mais comportant quelques dispositions un peu plus autoritaires.

Le texte prévoyait notamment la mise en place, à partir de 2012, d’un contrat santé-solidarité reposant sur un principe simple : tout médecin exerçant dans une zone bien dotée devait s’engager, quelques demi-journées par mois, à aller prêter main-forte à un confrère en zone déficitaire. En cas de refus, le médecin aurait dû payer une pénalité pouvant aller jusqu’à 3 000 € par an.


Le 13 avril, les députés ont supprimé les pénalités financières

 

Cette mesure a ulcéré les médecins, qui ont trouvé une oreille attentive auprès du gouvernement. Revenu au ministère de la santé fin 2010, Xavier Bertrand s’est engagé à faire disparaître toute mesure coercitive de la loi HPST. Mercredi 13 avril, au terme d’un débat houleux, les députés ont supprimé la pénalité financière prévue dans le contrat santé-solidarité.

Au final, il ne reste plus que des mesures incitatives sur la table. Le gouvernement mise sur son contrat d’engagement de service public (CESP), un dispositif d’allocations attribuées aux étudiants en médecine en contrepartie de leur engagement à exercer plus tard dans une zone sous-dotée.

Diverses dispositions sont aussi prévues pour revaloriser la médecine générale. Face au souhait des jeunes médecins de ne pas avoir un exercice isolé, de nombreuses collectivités ont créé ces dernières années des maisons de santé regroupant plusieurs professionnels.

« Le problème est que ces mesures incitatives coûtent une fortune sans donner toujours des résultats, assure Hervé Maurey. Dans mon département, des communes ont investi des centaines de milliers d’euros pour mettre en place des maisons de santé. Et aujourd’hui, elles n’ont toujours pas attiré le moindre médecin. »

 

10% des jeunes médecins choisissent l’exercice libéral


Pour ce sénateur, il convient donc d’être plus directif. « Il faudrait cesser de rembourser les honoraires des médecins s’installant dans une zone surdotée », réclame-t-il. « On pourrait aussi imaginer que l’assurance-maladie cesse de payer les cotisations sociales des médecins arrivant dans une zone excédentaire », ajoute Marc Bernier. D’autres plaident pour un système de régulation calqué sur celui des infirmiers.

Des mesures rejetées par le gouvernement et par de nombreux parlementaires de la majorité. « Aujourd’hui, seulement 10 % des jeunes médecins choisissent l’exercice libéral. Toute coercition ne fera que décourager encore un peu plus les vocations », assure Jean-Pierre Door, député UMP du Loiret.

« Si on touche à la liberté d’installation, plus un jeune ne choisira la médecine générale. On n’obligera jamais un médecin à exercer dans un endroit où il n’a pas envie d’aller », renchérit Valérie Boyer, députée UMP des Bouches-du-Rhône.

Dans le camp d’en face, on estime que « le statu quo n’est plus tenable ». « Il ne faut pas oublier que l’activité des médecins libéraux est solvabilisée par des dépenses de l’assurance-maladie, qui émanent de la collectivité, note Christian Paul. Et on estime qu’à ce titre ils ont quelques devoirs vis-à-vis de la société. »

 

 

Pierre BIENVAULT 

 

 

source:  la-croix.com (jeudi 14 avril 2011)


 

 

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