Loi HPST : quel avenir pour les hôpitaux locaux ?

Publié le par sphab/cgt & associés

Loi HPST : quel avenir pour les hôpitaux locaux ?

 

Première pièce du dossier qu’ouvre aujourd’hui Connexité sur la loi HPST et ses conséquences : les résultats et l’analyse d’une enquête menée par Gaëlle Zantman, élève directeur d’hôpital, dans le cadre d’un stage réalisé chez Berger-Levrault, sur le thème : quelles conséquences de la loi HPST sur l’avenir des hôpitaux locaux ?  

 

photohopitalguemene.jpgL’Hôpital Local Alfred Brard de Guémené-sur-Scorff (56)

 

On entend ici par "hôpitaux locaux" l’ancienne catégorie des hôpitaux ruraux créés par l'ordonnance n° 58-1 198 du 11 décembre 1958. Depuis la loi n° 91-798 du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, les hôpitaux locaux sont des établissements publics de santé conformément à l'alinéa un de l’article L. 6 141-2 du Code de la santé publique. À la croisée du sanitaire et du médico-social, ils dispensent des soins de courte durée en médecine (avec ou sans hébergement), des soins de suite et de réadaptation (avec ou sans hébergement) et des soins de longue durée (USLD).

En créant la nouvelle modalité de regroupement que sont les communautés hospitalières de territoire (CST), la loi HPST adoptée le 21 juillet 2009 par le Parlement a suscité de fortes craintes liées à la possible disparition des hôpitaux locaux, qui seraient regroupés dans de grandes structures à la taille jugée plus critique.


Une étude sur 325 hôpitaux locaux


L’analyse de la nouveauté juridique (loi HPST) croisée à une étude menée de décembre 2009 à janvier 2010, pourrait amener à relativiser de telles craintes, tout en mettant en lumière de nouveaux acteurs dans le paysage. La carte sanitaire s’en trouverait pour partie remodelée.

L’étude a consisté à s’intéresser à 325 hôpitaux locaux métropolitains, avec l’objectif de connaître leur stratégie à court et moyen termes en ce qui concerne les regroupements envisagés ou le degré d’autonomie : 194 hôpitaux ont répondu.


De l’incertitude à l’inquiétude


Une observation peut d’emblée être notée : l’inquiétude des acteurs, liée à l’incertitude quant à la stratégie à adopter, qui se manifeste par une forte velléité d’indépendance (neuf établissements sur dix contactés répondent "autonomes") et/ou (car les deux ne sont pas exclusifs l’un de l’autre) une active participation à des groupes de travail au niveau d’un territoire de santé afin de déterminer les modalités d’adhésion à une communauté hospitalière de territoire (CHT).


La circulaire de préfiguration


L’absence de décret d’application venu en préciser les modalités laisse une assez grande liberté aux établissements qui demeurent volontaires dans la démarche. Cette dernière n’a d’abord semblé concerner les hôpitaux locaux qu’à la marge, comme en témoigne la liste des établissements figurant dans la circulaire de préfiguration, n°DHOS/E1/F/03/2 009/292 du 21 septembre 2009 relative au financement par le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) de projets visant à favoriser les coopérations entre établissements de santé. Pour autant, l’étude révèle que d’autres groupes de travail se sont depuis mis en place, qui ont soit eu pour effet d’élargir les CHT listées dans la circulaire soit d’en dessiner de nouvelles. Le champ des hôpitaux locaux concernés s’en trouverait élargi, même si on a relevé au fil de l’étude une méconnaissance apparente de la circulaire au niveau d’un petit nombre d’entre eux.


Le rôle joué par la circulaire précitée dans l’accompagnement de la dynamique naissante de regroupement mérite d’être relevé. La démarche concernait initialement quinze régions, avec une forte prédominance numérique des CHT en Nord-Pas-de-Calais (11), en Aquitaine, Basse-Normandie, Île-de-France, Lorraine, Pays de la Loire, PACA, Picardie (3 chacune). Pilotées par la DHOS, elles bénéficient du relais opérationnel de l’agence nationale pour la performance (ANAP).


Vers une recomposition cartographique


L’étude numérique révèle un taux de participation de 13 % des établissements étudiés, ce qui est loin d’être négligeable si l’on songe qu’on est aux prémices des regroupements. L’étude cartographique permet d’enrichir ces données par la comptabilisation des hôpitaux locaux qui répondent pour l’heure "indépendants" mais qui se situent en proximité immédiate de CHT en constitution : le taux d’hôpitaux locaux susceptibles d’être concernés par une telle démarche à moyen terme serait dès lors de 20 %. Si on ajoute à ces chiffres les hôpitaux locaux simplement situés sur un territoire de santé où se constitue une CHT, le taux approche le quart des établissements. Ces taux sont suffisamment élevés pour penser à un début de recomposition cartographique.


Processus et configurations


Les établissements intégrés dans les CHT en cours de formalisation en sont à des étapes différentes du processus : pour certains, l’adhésion est certaine. Ainsi du territoire de santé du littoral du Nord-Pas-de-Calais, de trois territoires de santé en Pays-de-Loire. Pour d’autres, elle demeure encore en discussion comme en Bretagne, en Haute-Normandie, Languedoc-Roussillon, ou Poitou-Charentes.

Le visage pris par les communautés est celui d’un groupement autour d’un grand centre hospitalier pour la plupart. Dans quelques cas isolés, on observe une "contre offensive" des hôpitaux locaux sous la forme d’un regroupement entre eux, ce dont le territoire Sud Ouest de la Basse Normandie offre une illustration (démarche de regroupement des cinq hôpitaux locaux parallèle à la constitution d’une CHT autour d’Avranches).


Le champ de la CHT recouvre une hétérogénéité des situations : dans certains territoires de santé, c’est la totalité des hôpitaux locaux qui est concernée. C’est le cas du littoral en Nord-Pas-de-Calais, des territoires de Laval ou du Mans en Pays-de-Loire. Dans d’autres, elle n’en fédère qu’une partie. Ainsi la CHT de St-Nazaire englobe-t-elle Pornic et Guérande, soit deux hôpitaux locaux sur les trois présents sur le territoire. Une configuration semblable se retrouve sur le territoire Sud-ouest de Picardie, où deux hôpitaux locaux sur les trois présents sont inclus dans la CHT.

On est en droit de s’interroger sur l’avenir des hôpitaux locaux isolés, seuls établissements d’un territoire à ne pas participer à une CHT.


Approche intégrée ou modèle fédératif


La préférence pour la forme fédérative par rapport à la forme intégrée invite à relativiser le changement de paradigme. Les établissements ont en effet le choix d’opter ou pour une approche intégrée (qui se traduit par une quasi-fusion des établissements, les établissements préexistants confient à la CHT l’ensemble de leurs compétences et deviennent les différents sites de la communauté hospitalière) ou pour un modèle fédératif dans lequel l’un des établissements préexistant se voit déléguer des compétences par les autres établissements et assure le rôle d’établissement siège, la CHT mutualisant les compétences.


GCS de moyens, GCS établissements de santé


La préférence pour un mode de regroupement souple qu’est le mode fédératif est corollaire de la pérennité des anciens procédés de coopération (conventions) ou de regroupement. Ils sont de fait conservés par la loi HPST, de façon transitoire pour certains (Syndicats inter hospitaliers, GIP), parachevés pour d’autres : c’est le cas des groupements de coopération sanitaire (GCS). .Les GCS constituent un mode de coopération entre établissements de santé publics et privés et permettent aussi des coopérations avec les professionnels de santé libéraux, les centres de santé et d’autres organismes ou le secteur médico-social. La loi HPST distingue deux types de GCS : les GCS de moyens, qui permettent d’organiser, de réaliser ou de gérer des moyens au nom et pour le compte de ses membres et les GCS établissements de santé, autorisés à exercer en son nom une ou plusieurs activités de soins.


Parce qu’il détient, à la différence de la CHT, la personnalité morale, faisant de lui un puissant outil de travail en commun, le GCS continue à être un mode de coopération privilégié :
- il constitue dans certains cas une stratégie substitutive. Ainsi observe-t-on de nouveaux GCS dans le territoire de Quimperlé, où les établissements semblent réticents à s’engager d’emblée dans une CHT. L’approfondissement du GCS peut être une sorte de "test" ;
- il est dans d’autres cas une stratégie concomitante des CHT. Tel le territoire de La Rochelle en Poitou Charente où l’hôpital local de St Pierre d’Oléron participe tout à la fois à la CHT de Charente Maritimes Nord en constitution et à un tout nouveau GCS médico-social sur l’île d’Oléron.

Qu’il s’apparente à l’une ou l’autre stratégie, il a la préférence des régions rurales où se trouvent un grand nombre d’hôpitaux locaux. L’étude y révèle l’absence de CHT : Il s’agit de territoires éminemment ruraux et à la population vieillissante comme en région Bourgogne (vingt-et-un hôpitaux locaux sur vingt-et-un répondant « autonomes », certains continuant à participer à des GCS ou SI), le Centre, ou de la plupart des établissements de Rhône-Alpes qui répondent "autonomes".


Un secteur en devenir : la gérontologie


L’étude a permis de mettre en lumière un dernier point : l’importance numérique des coopérations médico-sociales, traduisant l’émergence de pôles gériatriques. 6 % d’établissements sont identifiables comme de tels pôles au travers l’enquête ; les reconfigurations en cours laissent à penser une augmentation rapide de leur nombre. Il s’agit d’hôpitaux locaux absorbant des maisons de retraite, ou en voie de le faire via des directions communes ou regroupements d’hôpitaux locaux en pôles.


 "Qui trop embrasse mal étreint" ?


A moyen et long termes, la carte sanitaire est appelée à évoluer sous l’effet de la poursuite des coopérations. La loi HPST ne saurait, à elle seule, expliquer ce dynamisme ; parce que les établissements ne peuvent pas répondre seuls aux missions de service public dans un environnement fortement contraint, des voix se font entendre pour prôner des stratégies de groupe. Pour ce faire, elles devront vaincre l’inquiétude des hôpitaux locaux qui redoutent que l’adhésion à une CHT ne soit le premier pas vers une fusion des établissements et ne signifie in fine leur disparition.


Gaëlle Zantman

 


 Source : www.connexite.fr ( 12 mai 2010)


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