Nantes (44) Soignants au bord de la crise de nerfs
À l’hôpital de Nantes, la pénurie de personnel atteint des sommets, des blocs opératoires sont fermés et des opérations retardées. Une situation explosive pour les soignants qui travaillent en flux tendu.
Black-out dans le plus grand hôpital de l’Ouest. Le CHU de Nantes (Loire-Atlantique) tourne au ralenti. Onze blocs opératoires sur les cinquante-deux de l’établissement sont fermés. Les infirmières de blocs, auxiliaires indispensables au médecin, font cruellement défaut. Il manque vingt-trois infirmières de bloc opératoire diplômées d’État et infirmières diplômées d’État. Sans elles, impossible d’opérer. Dans un courrier adressé aux chirurgiens et aux anesthésistes, le 9 juillet, la direction reconnaît « d’importantes difficultés de fonctionnement ». Elle évoque aussi des problèmes d’absentéisme et des soucis pour recruter. Cette lettre, communiquée au personnel la semaine dernière, a mis le feu aux poudres. « Les conditions de travail sont déjà en flux tendu, dégradées, les congés maternité pas forcément remplacés. Cet été, la direction ne s’y est pas prise assez en avance pour combler les absences », accuse Olivier Terrien, secrétaire adjoint de la CGT. Les patients n’ont donc plus qu’une chose à faire : attendre. « Pour une opération en chirurgie cardiaque, il y a 74 jours de délai. Cela ne concerne pas que les interventions bénignes ! Si ces personnes ne peuvent pas patienter, elles iront dans le privé », assène Olivier Terrien.
la direction taille dans les effectifs
Depuis la fin de l’année 2008, la pénurie de personnel est devenue chronique. À grands coups de scalpel, la direction taille dans les effectifs pour satisfaire à l’équilibre budgétaire. Quatre cents CDD supprimés en 2008, plus de 180 départs volontaires en 2009, selon la CGT. Alors que l’activité de l’hôpital ne cesse de progresser : elle a augmenté de 8 % cette année. D’après le syndicat, des jours de RTT, de récupération seraient aussi passés à la trappe. Si le déficit a diminué de 32 millions en 2008 à 9 millions en 2010, cette marche forcée s’avère désastreuse pour le travail au quotidien. Le syndicat n’hésite pas à parler de maltraitance des agents. Ceux qui restent sont au bord de l’épuisement. Un aide-soignant, qui souhaite rester anonyme, parle de conditions déplorables, en sous-effectif permanent.
En mai, les aides-soignants du service de médecine interne se sont mis en grève pour exiger des renforts. Rien n’a été concédé. Cet été, Jacques (1) a développé une tendinite à force d’enchaîner les heures et de répéter les mêmes gestes. Sur les 22 aides-soignantes qui tournent dans le service, au moins huit veulent partir. Il rapporte que le cadre leur aurait demandé de ne pas faire des toilettes complètes, seulement de rafraîchir les patients ! « Si c’est pour faire son boulot comme ça, autant ne pas rester. » Pour Jacques, la direction fait tout pour les faire craquer en les surchargeant, en les notant mal et en changeant leur planning sans prévenir. Avec ces soignants aux bords de la crise de nerfs, la direction ne s’affole pas. Elle table sur une réduction de l’activité habituelle en période estivale et les retours des congés pour rétablir la situation. Des arguments insuffisants pour le syndicat qui plaide pour le retour à des conditions de travail normales.
Cécile Rousseau
(1) Le prénom a été changé.
En cette période estivale, l’hôpital de Nantes n’est pas encore en alerte canicule. D’après la CGT , il ne serait de toute façon pas en état de déclencher le « plan blanc », la phase d’urgence du plan canicule. « Douze lits ont été fermés en gériatrie début juillet. On n’aurait pas la capacité d’accueil, souligne Olivier Terrien, secrétaire général adjoint CGT du CHU, on serait obligé de les envoyer ailleurs. »
Source : humanite.fr (21 juillet 2010)