Quand France 3 collabore à la réhabilitation de Renault
Quand France 3 collabore à la réhabilitation de Renault
Mercredi 14 décembre 2011, l’émission Histoire immédiate a offert une tribune de premier choix aux héritiers de l’industriel collabo.
Ce mercredi soir, en regardant France 3, on a pleuré dans les chaumières. Non pas de tristesse à l’écoute de la petite fille de Louis Renault, qui a tenté de réhabiliter son grand-père au lourd passé collaborationniste. Mais de colère de voir une chaîne du service public se prêter à la vaste entreprise de réécriture de l’histoire menée par voies médiatique et judiciaire par les ayants droit de Louis Renault, avec dédommagements sonnants et trébuchants escomptés. On peut se tromper une fois. Mais quand il s’agit de la troisième invitation du genre depuis janvier sur France Télévisions, on n’est plus très loin du plan de communication.D’autant plus quand on étudie les personnes invitées sur le plateau de l’émission Histoire immédiate. Là encore, c’était à pleurer. Au côté de deux éminents historiens qui ont passé leur temps à répliquer : « On n’a pas tous les éléments suffisants pour répondre » ou « La question paraît simple mais la réponse est très compliquée », Hélène Renault-Dingli, petite-fille de Louis, et Laurent Dingli, mari de celle-ci et historien forcément objectif car « astreint à avoir plus... enfin, autant de rigueur que les autres historiens », jouaient sur du velours. La première trouve que, « à la relecture de l’histoire », les faits de collaboration reprochés à son grand-père « sont plus nuancés que ce que l’on a voulu dire depuis des années ». Le second s’emporte lorsque l’on oppose l’attitude de Jean-Pierre Peugeot à celle de Louis Renault : « Sans limiter les mérites de la famille Peugeot, il faut juste rappeler que Peugeot était pétainiste militant et qu’il est entré en résistance qu’en 1943. »
Face à ce duo donc, aucun débatteur contradictoire. Et surtout pas l’historienne spécialiste de la collaboration économique Annie Lacroix-Riz, qui a mis notamment en lumière que « l’orientation de Renault, dès 1933, vers la nécessité d’entrer dans un cartel essentiellement franco-allemand », qui l’a conduit « dans la collaboration de long terme ». On a juste eu le droit à un présentateur sirupeux avec la petite fille Renault (« Vous avez souffert pendant votre enfance ? », « Qu’est-ce qui explique un tel acharnement ? ») qui affirme, au détour d’une question, « qu’on pourrait imaginer qu’un non-lieu pourrait être rendu » si procès de Louis Renault il y avait. Désastreux.
Le service public de télévision a déjà, à deux reprises, sur France 2, les 2 mars et 26 avril 2011, accordé à des heures de grande écoute voix exclusive aux héritiers. Le 3 août 2011, sur Europe 1, Franck Ferrand, a associé M. Laurent Dingli, dans son émission Au cœur de l’histoire, à l’indispensable réhabilitation de l’honneur de Louis Renault mis en cause par des historiens acharnés à « salir la mémoire de Louis Renault ».
Pour la troisième fois depuis mars, le service public donne la parole aux héritiers Renault et à au moins un historien qui soutient ou ne conteste pas la thèse de ceux-ci, et interdit de parole l’histoire fondée sur les sources originales. Le faux « débat » programmé, et déjà enregistré, sera diffusé au soir même ( 14 décembre 2011) de la première audience vraiment importante du procès que les héritiers Renault ont engagé le 9 mai 2011 contre l’État. Il risque, une fois de plus, de peser unilatéralement sur le cours de la justice.
La presse a le devoir théorique, jusqu'ici bafoué, d’informer sur la situation et les citoyens celui de protester contre une partialité qui met ladite presse, privée et publique, au service exclusif des héritiers de Renault qui ont engagé un combat contre la vérité historique au profit d’une prétendue quête désintéressée de réhabilitation avant de se lancer dans une action judiciaire en indemnisation concernant tous les contribuables français. Il convient d’exiger du service public, que ceux-ci financent directement, le respect du pluralisme : or, celui-ci a été bafoué avec application depuis janvier 2011, date où est entrée dans le domaine public la grande offensive des héritiers de Renault, parée dans un premier temps des atours de la nécessaire « réhabilitation » morale, révélée le 9 mai pour ce qu’elle était, une opération financière de grande envergure.
Vous trouverez ici douze des pièces d’archives qui attestent, sans aucun doute possible, l’ampleur de la collaboration de Louis Renault avec l’Allemagne, que je borne à la seule période septembre 1939-Libération. Je me propose, dans la période à venir, à publier un grand nombre de documents provenant des fonds d’archives concernés (copies des archives de la Préfecture de police; transcriptions des fonds Lehideux de Haute-Cour, 3 W, sous dérogation particulière et donc interdits de photocopie et de photographie).
Bien cordialement,
Annie Lacroix-Riz
Pour accéder aux archives
Cliquer sur le document souhaité
- Renault et le sabotage de la production de guerre, 25 novembre 1939, BA 2136, Renault, APP
- Renault, état d'esprit communiste résistant, 16 mai 1941, BA 2136, Renault, APP
- COA et commandes allemandes de chars à Renault et autres, 27 mai 1941, AN, 3 W 225, Lehideux
- Bénéfices exceptionnels de la SAUR, WI RÜ STAB, 13 janvier 1942, AN, 3 W 232, Haute-Cour, Lehideux
- Liste de 24 arrêtés Renault, 24 juillet 1942, BA 2136, Renault, APP
- Renault mourant, Neuilly-sur-Marne, 16 octobre 1944, BA 2135, Renault, APP
- Renault autopsie, Isorni à l'ouverture du cercueil, 13 février 1945, BA 2135, Renault, APP
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