Une anticipation de la loi anti-bandes (entretien avec le secrétaire général du syndicat de la magistrature)

Publié le par sphab/cgt & associés

Une anticipation de la loi anti-bandes

Mathieu-BONDUELLE--SG-SM-.jpgMatthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, dénonce 
un procès partisan, visant à intimider le mouvement ouvrier.


Vous témoignerez aujourd’hui devant la cour d’appel d’Amiens. Pourquoi votre syndicat soutient-il les « Conti »  ?


Matthieu Bonduelle. Ce n’est pas un procès comme les autres, en particulier vu la manière dont l’État s’est constitué partie civile. Le gouvernement négociait depuis des mois avec les « Conti ». Après le débordement à la sous-préfecture, il a finalement décidé de traiter ce conflit par la voie pénale, en multipliant les déclarations appelant à la sévérité. Comme celle de François Fillon qui a parlé d’une « minorité violente », alors qu’il n’y a pas eu de violence. L’objectif est devenu de punir les « Conti » pour l’exemple et d’intimider l’ensemble du mouvement ouvrier. Or, le droit pénal est un outil de régulation de la société. Faut-il y recourir dans le cas présent  ? Nous ne le croyons pas. D’autant qu’il y a une évidente différence de traitement : les dégradations commises par les agriculteurs l’année dernière n’ont donné lieu à aucune poursuite pénale. Sans oublier ce cynisme terrible qui veut que les patrons voyous s’en sortent en général très bien.


Les six salariés semblent porter le chapeau pour tous les autres, ce qui est inquiétant. La décision du tribunal de Compiègne se situe-t-elle sur le terrain d’une « responsabilité pénale collective » ?


Matthieu Bonduelle. Dans la forme, non. Le tribunal de Compiègne s’est bien gardé d’utiliser, par exemple la notion de coaction. Les apparences sont donc sauves, mais dans le fond, 
c’est ce qu’il a fait. Je m’explique  : le jugement attribue à chaque personne des faits précis. Des faits sont d’ailleurs largement contestés par les employés de Continental. Mais cela reste très artificiel. D’autant plus que dans cette affaire, il est très difficile de dire qui a fait quoi. Sauf pour certains prévenus, comme Xavier Mathieu, qui étaient directement sous l’œil des caméras. 
On ne peut donc pas à proprement parler de « responsabilité pénale collective », mais il est évident 
que le tribunal fait jouer une logique d’amalgame.


Le Syndicat de la magistrature estimait, en septembre, que le jugement du tribunal de Compiègne a comme anticipé la « loi anti-bandes », votée en première lecture en juin, et qui n’est pas encore adoptée…


Matthieu Bonduelle. Cette loi, votée à l’initiative de Christian Estrosi, se place, elle, clairement sur 
le terrain de la responsabilité pénale collective. Elle introduit même 
un nouveau délit, celui de « participer en connaissance de cause à un groupe que poursuit le but de commettre 
des dégradations ». Autrement dit, sur la base de la notion d’intentionnalité, cette loi permettra d’arrêter les gens sans qu’il n’y ait eu d’infractions commises. 
C’est le retour de la loi anti-casseurs abrogée en 1982, mais en pire, puisque la loi anti-casseurs se focalisait sur les leaders. La décision du Compiègne s’inscrit dans cette optique, elle ouvre la voie à la « loi anti-bandes ».


Quels seront les enjeux du procès d’aujourd’hui  ?


Matthieu Bonduelle. Il y a deux aspects. Tout d’abord, les faits sont-ils constitués  ? Autrement dit, les six prévenus ont-ils bien fait ce qu’on leur reproche  ? Étant donné la faiblesse des preuves, la cour d’appel ne sera pas forcément du même avis que le tribunal de première instance. Ensuite, il y a la question des peines. Trois à cinq mois de prison, même avec sursis, ce n’est pas rien. La cour d’appel pourrait estimer que ces condamnations sont trop lourdes.


Propos recueillis par Mehdi Fikri


 


Article publié le 13 janvier 2010 sur le site http://www.humanite.fr/

 

 


 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article