Vent de panique chez les mères fonctionnaires

Publié le par sphab/cgt & associés

Vent de panique chez les mères fonctionnaires

 

Le gouvernement veut rendre applicable le 13 juillet, avant même le vote de la loi, une disposition de son projet qui supprime le droit des parents fonctionnaires au départ anticipé, sans décote sur la pension. 15 000 femmes sont concernées.

 

Vannes-24-juin-2010.jpgVannes le 24 juin 2010-La perte financière due à la décote pour les femmes

fonctionnaires est estimée par l'UGFF/CGT "entre 20 et 25 %"

 


Depuis la publication du projet de loi réformant la retraite, la semaine passée, les services administratifs chargés de la retraite dans la fonction publique, de même que les organisations syndicales des agents sont submergés d’appels téléphoniques de fonctionnaires plongés soudain dans une grande inquiétude. En cause, l’article 18 qui supprime, à compter de 2012, le droit au départ anticipé offert jusqu’alors aux fonctionnaires remplissant une double condition : avoir élevé trois enfants et compter quinze ans de service. Ce dispositif était massivement utilisé, surtout par des femmes : en 2008, pas moins de 15 000 agents ont pu décrocher de cette façon.

 

Suppression

sans compensations

 

Si, comme le souligne le gouvernement pour se justifier, le fondement de cette mesure est aujourd’hui discutable (mise en place en 1924, elle participait de la politique familiale en incitant les femmes fonctionnaires à cesser de travailler après la naissance du troisième enfant), « rien ne justifie qu’elle soit supprimée brutalement, sans compensation par d’autres éléments permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle », dénonce Gilles Oberrieder, de l’UGFF-CGT. Dans les faits, actuellement, ce dispositif est souvent utilisé par des mères pour se soustraire à des conditions de travail pénibles, difficilement conciliables avec la vie de famille. « Supprimer le thermomètre ne fera pas disparaître ces difficultés, mais risque de se traduire par un transfert sur d’autres régimes, maladie, invalidité… », avertit le syndicaliste.


Pour l’heure, cependant, l’inquiétude ne tient pas seulement à l’annonce de la liquidation de ce droit, mais aux modalités d’application. Selon le projet de loi, les parents ayant trois enfants et quinze ans de services avant le 1er janvier 2012 conservent la possibilité de partir par anticipation. À un détail près, en l’occurrence le détail qui tue : ils devront déposer leur demande avant le 13 juillet 2010. Passé ce délai, leur pension sera fortement amputée. Explication. Sous la loi actuelle, les modalités de calcul de la pension pour ces départs anticipés sont celles en vigueur l’année où les mères ont à la fois quinze ans de service et 3 enfants. Pour la plupart des postulants potentiels aujourd’hui, il s’agit donc des règles en vigueur avant la réforme Fillon de 2003. Autrement dit, avant que ne soit instaurée, entre autres, la décote pour carrière incomplète. Le projet de loi prévoit qu’après le 13 juillet prochain, les règles de calcul de la pension pour départ anticipé soient celles issues de la loi Fillon. Sachant que la très grande majorité des femmes postulantes ont une carrière incomplète, elles subiront donc la décote (laquelle, à raison de 1,125 % par trimestre manquant, peut atteindre jusqu’à 25 % de la pension). « La perte financière pour les femmes sera en moyenne entre 20 % et 25 %° », calcule l’UGFF-CGT.

 

Des économies

sur le dos des femmes

 

Une telle disposition, de toute évidence taillée pour faire le maximum d’économies sur le dos des femmes, révèle une conception a priori très étrange du droit, consistant à rendre une loi applicable alors même qu’elle n’a pas été votée, et donc éventuellement modifiée lors du débat parlementaire. En attendant son éventuelle remise en question, « cela laisse présager un dépôt massif et préventif de demandes de pension de la part des fonctionnaires concernés », note le sénateur PS Claude Domeizel, qui, invoquant des « désordres immédiats chez les employeurs et les gestionnaires de retraites », a demandé au secrétaire d’État à la Fonction publique, Georges Tron, de reporter la date d’entrée en vigueur de l’article 18.

 

Yves HOUSSON

 


Que faire d’ici au 13 juillet ?

Faute de pouvoir compter sur une modification du projet de loi, les mères de famille ayant droit au départ anticipé avec une pension calculée selon les règles antérieures à la loi Fillon (quinze ans de service et 3 enfants avant le 1er janvier 2004) sont « fondées à demander leur départ avant le 13 juillet 2010 », souligne l’UGFF-CGT. Mais avec un « bémol » : que se passera-t-il si elles souhaitent revenir sur leur décision ? Dans les six mois séparant sa demande de son départ effectif, l’agent a le droit de changer d’avis. Bien qu’il n’y soit pas tenu, l’employeur en général le réintègre, « car les cas sont peu fréquents. Mais qu’en sera-t-il dans la situation de demandes de réintégration plus nombreuses fin 2010 ? ».


Des «éléments de langage» à la Cnav

Les employés de la Caisse de retraite de la Sécu sont appelés à expliquer la réforme.

Côté cour, le gouvernement affirme que son projet de réforme des retraites reste négociable. Côté jardin, la direction de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) se comporte comme si les dés étaient jetés. Elle vient d’envoyer à l’intention de ses conseillers une série de consignes censées leur permettre de « répondre aux interrogations des assurés ». Prenant la forme d’un questionnaire avec réponses (« J’ai passé trente ans en usine, est-ce qu’on va me donner la retraite plus tôt ? », par exemple), il s’agit, précise-t-elle dans un « message » rendu public par la fédération CGT des organismes sociaux, d’une « communication très opérationnelle sur des questions de base et des cas concrets ». Plus explicitement, la direction de la Caisse parle d’« éléments de langage », un vocable qu’on croyait jusqu’ici réservé aux éléments de propagande servis, les soirs d’élection, aux ministres et aux chefs du parti présidentiel pour expliquer une défaite…

Relevant qu’il s’agit là « d’une première », les personnels de la Sécurité sociale n’ayant jamais été « invités à renseigner le public à partir d’un projet de texte gouvernemental », la CGT rappelle que la réforme des retraites ne sera présentée en Conseil des ministres que le 13 juillet, et débattue au Parlement en septembre. Ce texte « ne revêt » donc « aucun caractère légitime et légal. Pourtant, la direction de la Cnav semble le considérer comme acquis et voudrait que les salariés de la Caisse vieillesse en soient les propagandistes », s’insurge le syndicat. Un tel comportement risque de porter atteinte au crédit dont bénéficient les personnels de la branche retraite de la Sécu, alors que les salariés proches de la retraite « sont en droit d’attendre une information complète, exacte et objective ». Les employés de la Sécu « ne sont en aucun cas les porte-parole du gouvernement », proclame la CGT, demandant au directeur de la CNAV de « faire cesser cette pratique qui consiste à laisser penser que ce projet de réforme serait déjà entré en application ».

Y. H.

 


Source : humanite.fr  (Lundi 28 juin 2010)


 

 

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