Chère médecine militaire !

Publié le par sphab/cgt & associés

Chère médecine militaire !

Neuf hôpitaux militaires concentrent la moitié du déficit hospitalier français. La Cour des comptes ne mâche pas ses mots

101014-SO.fr-CHERE-MEFECINE-MILITAIRE.jpgRobert-Picqué, à Bordeaux, fait partie des hôpitaux épinglés par la Cour des comptes.PHOTO S. Lartigue

Un peu comme l'Éducation nationale, la Défense est un mammouth bien difficile à bouger. Huit ans après une première série d'observations restées quasiment lettre morte, la Cour des comptes pilonne à nouveau le service de santé des armées. Et plus particulièrement les neuf hôpitaux militaires, dont celui de Bordeaux. Répartis dans six régions, ces établissements de taille moyenne ont accumulé en 2009 près de 280 millions d'euros de pertes. Soit le tiers de leur budget et plus de la moitié du déficit hospitalier français.


La doctrine et la pratique


Les magistrats de la juridiction financière ne peuvent s'empêcher d'établir un lien entre cette gabegie et les doléances récurrentes de l'état-major. Le trou des hôpitaux colmaté par le ministère de la Défense équivaut au coût d'acquisition de six hélicoptères de manœuvre ou de quatre avions de transport tactique. Des appareils qui font cruellement défaut à l'armée française lors des opérations d'évacuation sanitaire.


Forgée depuis plusieurs décennies, la doctrine française repose sur la notion de médicalisation de l'avant, de façon à soigner les blessés au plus vite et au plus près des lieux de combat. Les 15 600 civils et militaires employés principalement par le service de santé des armées dans neuf hôpitaux et 316 régiments et unités y suffisent largement. Et, même s'il devait se renforcer, l'engagement de la France en Afghanistan ne susciterait aucune tension sur les effectifs. « En moyenne, moins d'une personne sur dix parmi celles susceptibles d'être déployées est partie en opération extérieure », souligne la Cour des comptes.


Ruineuse autonomie


Les 2 000 praticiens et infirmiers en poste dans les bases militaires travaillent, semble-t-il, assez peu. Près des trois quarts des consultations, gratuites, concernent les engagés et leurs familles. Il s'agit d'une médecine de routine qui prépare assez peu les soignants à l'urgence, alors que celle-ci est indissociable du théâtre des opérations guerrières, où ils peuvent être appelés à tout moment.


Cette sous-activité touche encore plus largement les neuf hôpitaux militaires. Le taux d'occupation de leurs 2 700 lits dépasse à peine 50 %. En dépit d'un matériel parfois vétuste, la qualité des équipes est unanimement reconnue. Plusieurs d'entre elles ont d'ailleurs acquis une grande compétence en matière de dialyse, de prothèses ou d'oncologie. Mais à quel prix ?


Contrairement à son homologue britannique, qui a opté pour l'accueil des blessés dans les hôpitaux civils, le service de santé des armées a conservé un dispositif autonome tout en ouvrant l'accès de ses établissements. Aujourd'hui, contrairement à une opinion répandue, 90 % des malades accueillis ne sont pas des militaires. « Le ministère de la Défense se trouve dans la situation paradoxale de consacrer 280 millions d'euros à subventionner une activité de santé au profit de patients ou de soins civils qui peuvent être pris en charge par des structures publiques plus efficientes », déplore la Cour des comptes.


L'importance du personnel administratif, deux fois plus nombreux dans les hôpitaux militaires que dans les hôpitaux civils, pèse sur les comptes. Mais l'armée pâtit surtout de son incapacité à tisser des liens avec la médecine de ville et les services d'urgences, seule façon pourtant d'accroître la fréquentation et de maintenir le niveau technique de ses soignants. D'où des capacités inutiles et d'un déficit hors norme. Ils ne peuvent qu'inciter les pouvoirs publics à remettre la médecine en uniforme au pas si elle persiste à faire cavalier seul. Comme cela fut le cas à Toulon, où l'hôpital s'est équipé, sans prendre l'avis de qui que ce soit, d'un appareil ultraperfectionné n'ayant aucune vocation militaire.

 


source: sudouest.fr (jeudi 14 octobre 2010)


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