Loudéac (22). Événement au salon du livre : la page interdite d'"Un homme est mort" diffusée !
Loudéac (22).
Événement au salon du livre: la page interdite d' "Un homme est mort" diffusée !
Le salon du livre de Loudéac, qui a ouvert ses portes ce matin et se tient jusqu’à 19 h, bénéficie d’une exclusivité. Une page de BD a été ajoutée au livre illustré de Kris et Étienne Davodeau, "Un homme est mort" (Édition Futuropolis).
Les visiteurs ont pu en bénéficier avec les explications du réalisateur franc-tireur, René Vautier. Cette BD retrace, en effet, les dramatiques grèves de mars-avril 1950 à Brest. René Vautier, alors revenu clandestinement d’Irlande, les avait filmés avec sa "caméra citoyenne".
La copie du film n’avait pas survécu au temps, mais Kris et Davodeau, à partir de planches et images ont réalisé un ouvrage illustré sur cet épisode douloureux au cours duquel un syndicaliste, Édouard Mazé, avait trouvé la mort.
Les tirs maintenant identifiés
"Quand le livre est sorti, voici trois ans, l’éditeur n’avait pas été autorisé à imprimer une page montrant que c’était les forces de l’ordre qui avaient tiré. Ces dernières avaient indiqué que les manifestants avaient des armes. Pierre Cauzien, blessé lors des événements et aujourd’hui disparu, avait pourtant pu voir les archives. L’interdiction demeurait. Mais, aujourd’hui, 60 ans ont passé. Et le centre national du cinéma vient de me contacter pour préparer un scénario sur cette manifestation. La page interdite ne l’est donc plus". À la place des dessins représentant des balles d’armes à feu, on peut désormais voir des policiers qui tirent.
Le salon du livre, c’est aussi 60 auteurs, des rencontres avec Alain Rémond (journaliste et écrivain) ou le poète-auteur Yvon Le Men, des expositions et de multiples animations.
source: letelegramme.com (dimanche 30 mai 2010)

Editeur : Futuropolis
Publication : 12/10/2006
Résumé du livre
1950, la guerre est finie depuis cinq ans. De Brest il ne subsiste plus rien. Des bombardements massifs et des combats acharnés de presque un mois ont anéanti la ville, son port, son arsenal. Brest est un désert. Il faut tout reconstruire. 1950, Brest est un immense chantier. De la ville fortifiée, aux ruelles étroites, une nouvelle ville va surgir, orthogonale, rectiligne, ordonnée, moderne, ce sera Brest-la-Blanche, qui deviendra très vite, Brest-la-grise. Des milliers d'ouvriers travaillent sur les chantiers. 1950. C'est la grève. Les chantiers sont immobilisés, les ouvriers de l'Arsenal rejoignent le mouvement. De violents affrontements surviennent lors des manifestations.
Le 17 avril, le drame se produit. La police tire sur la foule, blessant plus de vingt personnes et tuant un homme. Edouard Mazé. Le lendemain, appelé par la CGT pour tourner un film sur le mouvement, René Vautier débarque clandestinement à Brest (il est alors recherché par la police suite à un premier film documentaire, 'Afrique 50', témoignage sans concessions du système colonial français d'après guerre). René arrive dans une ville en état de siège. Le lendemain, ont lieu les obsèques d'Édouard Mazé. Une foule immense, un peuple entier accompagnera son cercueil. Le témoignage de ces événements en images.
La critique (par Mikaël Demets)
Le cinéaste René Vautier avait tellement diffusé son film sur la grève de Brest durant laquelle un ouvrier avait été abattu par les forces de l’ordre que celui-ci s’est autodétruit, la fragile membrane imprimée disparaissant dans une ultime diffusion. Kris et Davodeau ont alors eu l’idée, puisqu’aucune copie du film n’existait, de faire revivre ce grand moment de cinéma et d’engagement à travers cette bande dessinée. Le récit nous replace dans le contexte de ce Brest d’après-guerre, complètement rasé, qu’il faut reconstruire de A à Z. Le scénario suit le combat de ces ouvriers exploités, qui appellent à la rescousse le cinéaste déjà connu pour avoir traité de sujets interdits (la violente colonisation française en Afrique). La simplicité et la beauté des mots de Paul Eluard qui illustrent le film, l’économie des dialogues et les situations humaines retranscrites avec pudeur font de cet album un ouvrage touchant. Le dessin, proche - tant par le style que par le sujet traité - d’un Tardi, brille par sa mise en scène intelligente et des couleurs subtiles, passéistes et profondes, dominées par un duel entre le gris du ciel et le rouge des drapeaux et du sang. ‘Un homme est mort’ montre à quel point la bande dessinée peut être un support idéal pour des sujets politiques et militants, ou pour ne pas oublier, tout simplement.