Malgré sa fusion avec le CHU de Brest, l'hôpital de Carhaix cherche toujours des médecins
AFP/FRED TANNEAU - Manifestation, fin 2008 à Quimper, pour réclamer le maintien
de la chirurgie et de la maternité à l'hôpital de Carhaix.
Passé la pancarte "Carhaix-Plouguer", c'est un panneau bleu avec un grand "H" qui accueille le visiteur dans la petite ville du centre de la Bretagne. "Hôpital menacé de fermeture", y lit-on encore. La bataille date d'il y a deux ans : manifestations à répétition, échauffourées. Toute la commune s'était mobilisée. Finalement, ni le service de chirurgie ni la maternité n'ont fermé.
En juillet 2009, une fusion a été votée avec le CHU de Brest, à quelque 80 km de là - l'activité de Carhaix représente moins de 10 % du nouvel ensemble. Une première en France. Une solution pragmatique, qui devait assurer la survie des services en garantissant la sécurité des soins. L'idée était de faciliter l'arrivée de médecins, qui répugnent à exercer dans des structures isolées, grâce à l'appartenance à l'équipe d'un centre hospitalier universitaire.
Un an plus tard, "tout n'est pas rose, tout n'est pas simple", reconnaît le docteur Jean-Yvon Roudaut. Il est cardiologue à l'hôpital, et préside le comité de défense et de développement du site. "En tant que médecin, je suis confiant. En tant que président du comité, je reste vigilant", résume-t-il. Il fait partie de ceux qui ont plaidé la fusion, quand d'autres s'inquiétaient de la perte d'autonomie et d'identité de Carhaix. Les syndicats étaient contre, mais les salariés et médecins ont dit "oui".
Le docteur Roudaut estime que "le temps partagé" des médecins entre Brest et Carhaix est la solution. En proposant aux médecins qui viendront travailler dans le petit hôpital d'exercer régulièrement à Brest, il doit être possible de trouver des candidats. Hélas, malgré la fusion, attirer les médecins reste le noeud du problème. "Si on réussit à recruter, ce sera gagné pour Carhaix", résume Jean-Christophe Paul, directeur adjoint du CHU, basé en partie à Carhaix.
Des "Brestois" viennent déjà à Carhaix, comme le professeur Michel Collet, chef du pôle gynécologie-obstétrique, qui y a créé une consultation et assure des gardes, ou le docteur Gildas L'Heveder, qui y consacre une journée par semaine. Une présence jugée très positive. Du côté des généralistes du secteur, cependant, on estime que la situation n'est pas encore satisfaisante.
Il faudrait plus de volontaires. Contraindre les médecins à exercer à Carhaix est exclu, car à Brest on est aussi débordé, et les deux heures trente de trajet aller-retour posent problème. Certes, un gynécologue devrait bientôt arriver, ainsi qu'un cardiologue. Cela faisait longtemps que Carhaix en cherchait un. Mais des postes restent toujours vacants.
Surtout, ce printemps, trois médecins de l'hôpital ont démissionné. Pour raisons personnelles disent les uns, pour insatisfaction disent d'autres. Quoi qu'il en soit, cela a jeté un froid. La direction indique que, à la rentrée, tous auront été remplacés, mais en attendant, elle fait appel à des intérimaires. Une pratique qui avait jeté le discrédit sur l'hôpital, tant ce recours était devenu une habitude dans le passé. Anne-Marie Lucas, syndicaliste CFDT, le juge "anormal". "Les choses n'avancent pas", juge-t-elle, estimant que Brest est trop loin pour que la greffe prenne.
L'activité de la maternité remonte pourtant, lentement. Pour la chirurgie, elle reste stable, mais on compte beaucoup sur l'arrivée d'un chirurgien orthopédiste pour la relancer. En 2006, seulement 34 % des actes d'obstétrique de la zone étaient assurés à Carhaix, et 16 % pour la chirurgie.
Le rapport d'un expert qui avait pointé les problèmes de sécurité et de qualité et préconisait la fermeture, en 2008, a meurtri les équipes. "Le retour de la confiance des généralistes et de la population se fera progressivement", explique la direction, à Brest. C'est en 2012 que le bilan de la fusion sera tiré. Un délai que certains estiment insuffisant.
L'avenir du site hospitalier n'est pas seul en jeu, comme le rappelle Jean-Paul Hémon, référent santé du "pays du centre-ouest Bretagne". Sans hôpital, aucun nouveau médecin libéral ne voudra s'installer. Or 37 % des généralistes ont plus de 60 ans, et prendront leur retraite d'ici cinq ans. Surtout, l'hôpital permet de compenser le manque de spécialistes libéraux : on en compte ici 1,2 pour 10 000 habitants, contre 7 pour la Bretagne.
Les bonnes volontés se démènent, mais le panneau à l'entrée de Carhaix montre que la page n'est pas tournée. "Il aurait déjà dû être enlevé, car cela ne rassure pas", estime M. Hémon. "Le retirer ? Pourquoi pas...", répond le maire, Christian Troadec (DVG). Pour lui, néanmoins, sa présence est la preuve qu'une ambiguïté demeure : "Aucune garantie écrite de maintien des services n'a été fournie par l'Etat".
Laetitia Clavreul
Source : lemonde.fr (27 juillet 2010)