Nouveau sursis pour les petits blocs opératoires
Opération décrispation. La ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a décidé de se donner du temps sur le sujet éminemment sensible de la fermeture des petits blocs chirurgicaux. Le décret fixant à 1 500 séjours par an le seuil d'activité en dessous duquel les services de chirurgie devront fermer était annoncé pour fin juillet. Sa parution "est reportée sine die", indique le ministère.
Le décret est en discussion depuis plus de trois ans, à la suite d'une préconisation du Conseil national de la chirurgie. Il doit constituer un signal fort de la volonté de l'Etat de régler la question. Mais outre le fait qu'une parution pendant l'été aurait été vivement critiquée, la ministre a au final décidé de davantage associer et accompagner les maires concernés pour lesquels les fermetures de services sont difficiles à gérer. "Au lieu d'émettre des seuils puis discuter, nous allons prendre le temps de réexpliquer pourquoi nous prenons ces décisions", indique le ministère.
Mme Bachelot veut lancer une mission d'information, dans laquelle siégeront un préfet, des élus et des médecins. Elle pourra être saisie par les villes dont le bloc opératoire pose problème. Son rôle sera de réexpliquer les mesures, d'explorer les pistes de reconversion des services chirurgicaux en soins de gériatrie, réadaptation ou soins palliatifs.
Le ministère espère, avec cette concertation, démontrer que là où les services de chirurgie ont disparu, les hôpitaux n'ont pas fermé. Car le mouvement de restructuration est, en fait, déjà bien engagé. L'objectif de fermeture des petits blocs demeure, assure le ministère, car volume d'actes, qualité des soins et sécurité sont liés. La fin des services réalisant moins de 1 050 séjours par an est toujours prévue, ainsi que celle, dans un deuxième temps, de ceux effectuant 1 050 à 1 500 séjours qui n'auront pas augmenté leur activité.
Pourquoi fermer ? Selon les rapports réalisés par la profession, la sécurité n'est plus assurée partout. Alors que la chirurgie s'est -spécialisée, les petits hôpitaux n'ont pu s'adapter. "La présence et la qualité sont deux sujets qu'on aborde avec beaucoup de pudeur, pourtant, nous avons vu des choses qui posent problème", explique François Aubart, vice-président du Conseil national de la chirurgie (CNC), qui a participé à des missions sur le terrain.
Ainsi, faute de pouvoir recruter des praticiens qui préfèrent désormais appartenir à de grosses équipes, certains hôpitaux font trop souvent appel à des intérimaires, ce qui empêche un suivi efficace des patients. Ont aussi été constatés des délais de repos non respectés par manque de spécialistes, ou un niveau insuffisant chez des chirurgiens en fin de carrière.
Le CNC avait préconisé en 2006 la fermeture des blocs réalisant moins de 2 000 séjours par an. C'est un seuil moins sévère qu'a retenu le ministère.
Quels sont les hôpitaux concernés ? La fermeture dépendra de l'activité réalisée entre 2009 et 2011. Impossible donc de déterminer une liste, car d'ici à 2012, les choses peuvent évoluer. Les chiffres 2007-2009 permettent cependant de se faire une idée de la situation du parc hospitalier.
Durant cette période, 133 hôpitaux ont enregistré en moyenne moins de 1 500 séjours de chirurgie par an. Sous la barre des 1 050, il reste plus de 80 hôpitaux.
Mais en réalité, parmi eux, beaucoup se sont déjà adaptés : ainsi, on en compte une quarantaine qui ont rapproché leurs services de chirurgie d'un autre hôpital (public ou privé) - ou sont en passe de le faire - en conservant les opérations programmées ou la chirurgie ambulatoire. C'est le cas de l'hôpital de Lavaur (Tarn), qui gère sa chirurgie avec le CHU de Toulouse, ou Dinan, qui s'est rapproché d'autres sites bretons. Une vingtaine d'hôpitaux ont déjà fermé leur service de chirurgie, comme La Ferté Macé (Orne) ou Quimperlé (Finistère). Ou devraient le faire.
Il ne reste donc qu'une vingtaine d'hôpitaux sans projet - et même moins, car dans certains cas, le chirurgien approcherait de la retraite, et le service pourrait fermer après son départ. En général, le "taux de fuite" - les patients qui se détournent de l'hôpital local pour aller ailleurs - y est très élevé, et le nombre de séjours faible.
Le ministère ne donne pas de noms. Mais ceux-ci se reconnaîtront facilement, tant leur situation délicate est débattue de longue date. Il peut s'agir d'hôpitaux isolés, comme Saint-Affrique (Aveyron) ou Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane), ou de sites soumis à la saisonnalité, comme Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie). Les noms de Châteaudun ou encore Figeac circulent aussi.
Pour ces établissements, une autre organisation devra être trouvée. Ce sera plus ou moins facile, car plus la distance avec un autre hôpital est grande, plus les coopérations sont difficiles.
Une solution par territoire ? A la mi-juillet, l'Association des petites villes de France avait réclamé que la ministre s'abstienne de signer le décret. "Le côté arbitraire de ce décret-couperet est choquant", juge Martin Malvy (PS), son président. Favorable à des "coopérations" entre hôpitaux, il rappelle que toute ville a "droit à une offre de soins de qualité". La Fédération hospitalière de France, plaide pour la réorganisation des petits blocs, mais préfère "une démarche territoriale, site par site" à celle des seuils.
La mission envisagée par Mme Bachelot devrait permettre de remettre les choses à plat. Mais pourra-t-elle éviter les tensions ?
Laetitia Clavreul
Plusieurs années pour se réorganiser
Le calendrier prévu pour réorganiser l'offre de chirurgie laisse du temps. La procédure s'inscrit dans la préparation des prochains schémas régionaux de l'organisation des soins. Les dossiers d'activité des hôpitaux seront déposés en 2012, puis instruits. Les établissements ayant réalisé moins de 1 050 séjours de chirurgie par an auront alors seize mois pour se réorganiser avant fermeture du service. Ceux ayant effectué de 1 050 à 1 500 séjours auront trois ans de plus pour augmenter leur activité, ou se réorganiser. Aucune fermeture forcée ne pourra donc avoir lieu avant... 2012. Des dérogations sont prévues pour la cancérologie et l'obstétrique. Une réflexion est en cours sur les urgences et les transports sanitaires pour garantir un égal accès aux soins, quelque que soit le lieu du domicile.
Source : Lemonde.fr (mardi 27 Juillet 2010)